Tarik Hari : « Le Maroc fonctionne beaucoup sur la cooptation »

Tarik Hari, chercheur au Centre marocain des sciences sociales, décrypte les passages du monde économique à la sphère politique dans le royaume chérifien.

Selon Tarik Hari, le recours au monde entrepreneurial est un choix stratégique du Palais. © Hassan Ouazzani/Jeune Afrique

Selon Tarik Hari, le recours au monde entrepreneurial est un choix stratégique du Palais. © Hassan Ouazzani/Jeune Afrique

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Publié le 4 février 2013 Lecture : 2 minutes.

Propos recueillis par Michael Pauron

Jeune Afrique : Depuis quand le Maroc recrute-t-il des patrons pour ses ministères ?

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TARIK HARI : Après l’indépendance, le recrutement politique était traditionnellement réalisé au sein des universitaires en droit et sciences politiques. Ce n’est qu’à partir des années 1990 que les ministres sont venus des mondes technocratique et entrepreneurial. Le roi Hassan II s’est alors mis à rechercher, dans le contexte d’une libéralisation du Maroc, des expertises économiques et financières. Il a ainsi créé le groupe de réflexion G14, dont sont notamment issus Driss Benhima [patron de Royal Air Maroc, NDLR] et Aziz Akhannouch [ministre de l’Agriculture et de la Pêche et patron du groupe Akwa].

Le recours à une élite privée était donc planifié ?

C’était un choix stratégique du Palais. Ce qu’on peut dire, c’est qu’à partir des années 1990 l’entrepreneur émerge comme un acteur de la vie sociale et économique du pays. Sous Mohammed VI, le mouvement s’est accéléré avec l’arrivée d’une génération de quadragénaires proches de lui. De plus, ces patrons ont investi les partis politiques pour avoir une légitimité en cas de nomination.

Qu’est-ce que ces élites ont apporté à la politique ?

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En réalité, nous sommes davantage dans la gestion de la chose publique, le ministre n’a pas de poids politique. Toutes les grandes orientations de ces dernières années ont été décidées au niveau du Palais. Et les ministres, à l’aide de cabinets d’expertise spécialisés, se sont chargés de les exécuter.

Quelles motivations poussent ces hommes d’affaires à accepter un poste de ministre ?

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Au-delà du discours officiel de « contribuer au développement du pays et à sa démocratisation », ces hommes d’affaires tiennent compte d’une réalité au Maroc : le passage par des fonctions politiques est essentiel pour développer son business, du moins pour les entreprises à grands capitaux, les « champions » marocains. Le pays fonctionne beaucoup sur la cooptation, le clientélisme et le réseau.

Peut-on parler d’affairisme ?

Profiter de sa position de pouvoir pour accumuler et faire fructifier une fortune est une pratique qui a toujours eu cours au Maroc. Disons qu’on est dans un système où les grâces et les rétributions des proches et fidèles font partie de la gestion du politique. Depuis longtemps, le régime a compris que le contrôle et la distribution des ressources économiques sont une méthode de gouvernement. Aujourd’hui, les fortunes se font et se défont selon le niveau de proximité avec la cour royale.

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