Patriotisme littéraire

Publié le 2 avril 2006 Lecture : 2 minutes.

Depuis le lancement, le 16 mars – jour de l’inauguration du Salon du livre de Paris -, du Festival de la francophonie en France, le terme même d’écrivain francophone fait l’objet d’un débat passionné – et passionnant. Dans Le Monde du 10 mars, Amin Maalouf déplorait que cette appellation ait fini par signifier, pour les Français, « les autres », « les étrangers », voire « ceux des anciennes colonies ». En somme, les auteurs du Sud, car qui penserait appeler francophone un François Weyergans, prix Goncourt 2005 pour Trois jours chez ma mère (Grasset). Ses origines belges ne l’empêchent pas d’être assimilé à un écrivain français, alors que ses confrères nés au Congo ou au Vietnam, même s’ils sont eux aussi établis en France, sont classés chez les libraires dans les rayons de littérature étrangère.
Signe, peut-être, que la France refuse d’aborder le débat, on assiste dans ce pays à une prolifération d’ouvrages tournés vers ce que sa littérature propre a de plus « authentique ». Parmi les publications récentes, Une histoire de la littérature française (Grasset, 10 euros) de Kléber Haedens, Une autre histoire de la littérature française (Folio, 2 volumes, 14 euros) de Jean d’Ormesson, ou encore la réédition du célèbre Lagarde et Michard (Bordas, 4 volumes avec cédérom, 185 euros). L’an dernier, au Dictionnaire égoïste de la littérature française (Grasset, 28,50 euros) de Charles Dantzig, brillant mais très sélectif, répondait La Littérature française pour les nuls (First, 22,90 euros) de Jean-Joseph Julaud, plus accessible, à l’évidence, mais aussi moins iconoclaste. Sorti le 10 mars dernier, l’imposante Histoire de la France littéraire (PUF, 3 volumes, 63 euros), dirigée par Michel Prigent et rédigée par la fine fleur de l’Université française, est venue clore cette série.
Autant d’excellents documents pour les amateurs de belles lettres – pourquoi bouder son plaisir ? -, mais qui, par leur accumulation, laissent penser à un phénomène de nationalisme littéraire qu’on est tenté de rapprocher du « patriotisme économique » qui agite actuellement les milieux d’affaires français.
Quelques parutions récentes viennent, en contrepoint, démontrer la vitalité du français dans ses multiples enracinements. C’est le cas de l’essai de Jean-Louis Joubert, Les Voleurs de langue. Traversée de la francophonie littéraire (Picquier, 14 euros) et du recueil publié par l’Internationale de l’imaginaire sous le titre Cette langue qu’on appelle le français. L’apport des écrivains francophones à la langue française (Babel, 9,50 euros). En attendant un vrai dictionnaire des littératures « francophones ».

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