Le vent du changement

Publié le 2 mars 2008 Lecture : 4 minutes.

John McCain. Cet homme politique américain de droite est le (futur) candidat du Parti républicain à l’élection présidentielle de novembre prochain. À 71 ans, il est le plus âgé des prétendants.
Il avait la réputation d’être d’un bon niveau et d’avoir des principes ; on le créditait même d’une certaine sagesse.
J’ai donc été étonné (et déçu) de l’entendre dire, il y a dix jours, lorsqu’il a su que Fidel Castro renonçait au pouvoir :
– J’espère qu’il s’en ira très bientôt rejoindre Karl Marx, là-haut

Je croyais qu’il appartenait lui aussi – comme vous et moi – à une culture où l’on ne souhaite la mort de personne, pas même d’un adversaire.
Que McCain ait non seulement souhaité la mort de Fidel mais osé le déclarer est un dérapage à mettre à son débit et sur le compte des vicissitudes d’une campagne électorale

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Je relate cet incident (fac-similé ci-contre) et j’évoque la campagne électorale américaine – le choix de son candidat par chacun des deux grands partis est désormais dans sa phase décisive – pour indiquer que nous sommes, à mon avis, à un tournant de l’Histoire.
Le retrait contraint et forcé de Fidel Castro intervenu le mois dernier et la fin prochaine de l’ère Bush font déjà sentir leurs effets conjugués – et l’on sent se lever, non seulement sur les Amériques mais sur le monde entier, le vent du changement.

Il souffle déjà sur l’île de Cuba elle-même, où l’on s’aperçoit que le départ de Fidel, même si le Líder máximo est remplacé par son propre frère à peine moins âgé que lui, est l’amorce d’un changement vrai. Tous les observateurs l’ont noté : bien que récent, ce changement est de plus en plus perceptible par les habitants de l’île elle-même et, simultanément, par les deux millions de Cubains qui ont émigré, par vagues successives, pour s’installer aux États-Unis.
Soyez-en persuadés : ses effets seront chaque mois plus visibles.
L’embargo économique imposé par les dix présidents américains qui se sont succédé depuis 1960 a commencé à perdre, y compris en Floride, les soutiens dont il bénéficiait : il ne survivra pas longtemps à l’administration de George W. Bush, et sa levée, plus que probable, en 2009 ou 2010, bouleversera de fond en comble les relations interaméricaines.

Barack Obama a osé annoncer, avant même d’être désigné, que s’il était élu président il négocierait avec les dirigeants cubains, sans conditions.
Il a d’ailleurs élargi le champ de la négociation sans conditions aux autres adversaires ou ennemis des États-Unis :
– J’en suis persuadé : il est de la plus haute importance pour les États-Unis de discuter non seulement avec leurs amis et alliés, mais aussi avec leurs ennemis, a-t-il déclaré.
Avant d’ajouter : C’est dans les discussions avec les ennemis que la diplomatie est le plus productive.
Les deux autres successeurs possibles de George W. Bush sont moins nets, mais, en tout état de cause, le mauvais chapitre rédigé par ce dernier depuis près de huit ans est en train de s’achever.
Et nous le sentons bien : l’après-Bush est déjà en préparation.

Le périple que vient de faire le 43e président des États-Unis en Afrique n’avait-il pas l’allure d’une tournée d’adieux ?
Et qui peut penser que la Corée du Nord ou l’Iran, ou même la Syrie, feront l’effort de chercher un accommodement avec un Bush sur le départ ?
Qui parie encore sur les Pervez Musharraf, Hamid Karzaï ou Mahmoud Abbas ? On ne sait même pas si ces trois-là et leurs pareils parviendront à aller jusqu’au bout de l’ère Bush.
Qui, en dehors d’un Tony Blair, qui y a trouvé un moyen de ne pas être oublié, croit que la négociation israélo-palestinienne, amorcée sous l’égide de Bush à Annapolis il y a près de trois mois, produira un résultat tangible d’ici au début de 2009 ?

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En Russie, comme en Chine, en Inde, comme au Brésil, pour ne citer que ces grands pays, personne ne se soucie de ce qu’il est encore possible de faire avec Bush avant qu’il ne s’en aille – et tout le monde se prépare à ce qu’il sera enfin possible d’accomplir avec son successeur.
Le même climat règne à l’ONU et dans ses agences, ainsi qu’au Fonds monétaire international, à la Banque mondiale et à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), etc.

C’est donc, ironie de l’Histoire, à ce vestige du communisme qu’est Fidel Castro qu’il sera revenu de donner le signal d’un grand changement : sa décision de se mettre en retrait et, même si le moment lui a été imposé par l’âge et la maladie, son choix de la rendre publique le 18 février dernier ont de toute évidence ouvert une ère nouvelle
Un peu, toutes proportions gardées, comme la chute du mur de Berlin.
Du coup, le reste de l’année 2008 – sauf événement majeur – est comme effacé, ramené, en tout cas, à une fade transition, et nous voici, dès le début de ce mois de mars 2008, projetés vers le premier trimestre de l’année prochaine : dans un an, « le changement »

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Le changement, c’est peut-être la fin – ou le début de la fin – de cette « guerre mondiale contre le terrorisme » initiée à mauvais escient par George W. Bush et Dick Cheney et qui a eu pour principal résultat jusqu’ici d’offrir à ce terrorisme des terrains d’expérimentation et des recrues. Le concept lui-même est mis en question par les trois candidats américains à la présidence, et plus nettement encore par la plupart des futurs collaborateurs de celui (ou celle) d’entre eux qui sera élu(e).
En Irak, en Afghanistan, au Pakistan, comme dans les conflits israélo-palestinien et israélo-arabe, les cartes – et certains des acteurs – ont toutes chances de changer. Idem pour le problème de la prolifération nucléaire, pour la lutte contre le réchauffement de la planète, pour le cours du dollar par rapport à ceux des autres grandes monnaies, pour celui du baril de pétrole

Vivement 2009 ! Et, d’ici là, que tienne l’économie et que Dieu nous préserve des dernières erreurs de l’administration Bush !

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