Indépendance du Maroc
2 mars 1956
La scène se déroule au Quai d’Orsay, à Paris, dans un lieu chargé d’un siècle d’histoire diplomatique française. Le vendredi 2 mars 1956, à 16 h 30, sous les voussures richement décorées du Salon de l’horloge, l’ambiance est grave, presque pesante. Le ministre français des Affaires étrangères, Christian Pineau, égrène dans le silence les paroles de la déclaration commune avec le Maroc : « Le gouvernement de la République française confirme solennellement la reconnaissance de l’indépendance du Maroc, laquelle implique en particulier une diplomatie et une armée » À ce moment, le Premier ministre marocain Si M’Barek Bekkaï se redresse de toute sa taille, ému, et retient son souffle. Puis viennent les sourires, les flashes des photographes et d’immenses explosions de joie à travers tout le Maroc
Placée sous les auspices de l’amitié franco-marocaine, l’abrogation du traité de Fès instituant le protectorat français (1912) n’en reste pas moins un choix de prudence stratégique pour la France, dont l’empire colonial prend l’eau de tous côtés. Déjà engagée dans une longue guerre en Indochine (1946-1954), la métropole voyait le Maghreb s’enflammer, à commencer par le Maroc et la Tunisie.
Depuis la destitution et l’exil forcé, en août 1953, du sultan nationaliste Sidi Mohammed Ben Youssef (le futur roi Mohammed V) à la suite d’une révolte de notables et chefs de confréries provoquée par la France et emmenée par le pacha de Marrakech, Hadj Thami el-Glaoui (dit Le Glaoui), le risque de guerre est bien réel au Maroc. Jusque-là incarné par le parti de l’Istiqlal (PI, créé en 1944 par Allal El-Fassi) et par le Parti de la démocratie et de l’indépendance (PDI, fondé en 1946 par Mohamed Hassan El-Wazzani), le mouvement indépendantiste se radicalise rapidement et les émeutes se multiplient. Une Armée de libération du Maroc (ALM), dont l’objectif est la libération totale du Maghreb, se développe dans le Rif et le Moyen Atlas à partir d’août 1955, tandis que les militants de la Mounaddama el-sirriya (organisation secrète liée à l’Istiqlal) mènent des actions armées dans les villes avec un fort soutien populaire.
À cela s’ajoutent les manifestations en Tunisie (qui bénéficie déjà de l’autonomie interne depuis le 3 juin 1955) en faveur de l’indépendance totale ainsi que le soulèvement de l’Algérie à la Toussaint 1954. La France n’a donc plus d’autre choix que de « sacrifier » la Tunisie et le Maroc pour tenter de conserver dans son giron l’Algérie, où vivent environ 1 million de pieds-noirs. Dès lors, tout s’enchaîne. Le sultan du Maroc fait un retour triomphal d’exil en novembre 1955 et, le mois suivant, un homme modéré et proche de son entourage, Si Bekkaï, est chargé de former le premier gouvernement marocain et de négocier les conditions de la transition vers la pleine souveraineté. L’indépendance de la Tunisie, discutée en parallèle, interviendra dix-huit jours après celle du Maroc. Puis l’Espagne se résout de son côté à abandonner son protectorat (sur le nord du Maroc) en avril, et le statut international de la ville de Tanger est aboli en octobre. Désormais, c’est un nouveau chapitre de l’histoire marocaine qui s’ouvre – et non des moins douloureux : celui de la conquête du pouvoir et de la démocratisation au sein du nouvel État indépendant
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