La grande carrière de la Mini

Depuis bientôt un demi-siècle, elle plaît. La troisième héritière de la Couronne est présentée cette semaine.

Publié le 1 octobre 2006 Lecture : 4 minutes.

La Mini, c’est une belle histoire, comme il faudrait en raconter, avant qu’ils ne s’endorment, aux enfants qui rêvent de faire carrière dans l’automobile. En commençant par Alec Issigonis, ingénieur anglais d’origine grecque, ennobli par la reine pour avoir changé la face de l’automobile en 1959. Car la Mini, première du nom, fut une révolution : jamais avant elle une voiture n’avait logé quatre vraies places, un coffre et des qualités routières en 2,99 m de long ! Ni depuis, d’ailleurs. Le secret d’Issigonis tenait en peu de mots : roues aux quatre coins, hayon à l’arrière, et moteur en position transversale afin de raccourcir le capot.
Ce qu’Issigonis ignorait alors, parce que seul le regard des autres aurait pu le lui dire, c’est combien la Mini était belle, mutine, sexy, intelligente. Elle slalomait entre les pièges de la circulation urbaine. Virait sec sur la route. Et, pour peu qu’elle soit vitaminée, se sentait pousser des ailes, au point de remporter le rallye de Monte-Carlo au mitan des années 1960.
Très vite, les femmes de caractère, qu’on n’appelait pas encore « jeunes urbaines actives », adoptèrent la Mini. Elles se reconnaissaient dans la petite anglaise. Prenaient ses pannes, qui étaient fréquentes, pour des caprices. Et savaient qu’elles attireraient l’attention masculine. Car c’était visiblement toute une science de s’extirper avec élégance en jupe serrée de l’habitacle bas et étroit d’une Mini. Bref, la Mini devint une légende : une carrière exceptionnellement longue, quatre décennies, 5,5 millions d’exemplaires produits. Les hommes de plus de 40 ans en gardent un souvenir ému.
Dès lors, lui donner une héritière plausible était forcément un exercice périlleux : comment rendre vie à une icône sans que les fidèles crient au sacrilège, les sceptiques à l’opération commerciale ? BMW y est parvenu, en 2001. Grâce à Frank Stephenson, son designer, un Américain né la même année que la Mini, puis élevé au Maroc. Tout petit, il était tombé dans la marmite : son père tenait une concession Rover à Málaga. Et avait tout compris : « J’ai juste traduit en langage moderne l’esprit original de la Mini : émotion, faible encombrement, vaste espace intérieur, qualités routières. »
Bien sûr, la Mini II a grandi (60 cm de plus que sa devancière), pris des épaules (25 cm de plus en largeur). A gagné des formes plus sensuelles, comme le bosselage de son capot dans le prolongement des phares. Mais elle est restée aussi craquante, avec, en prime, un design intérieur proche du chef-d’uvre. BMW, qui ne connaît qu’eux, pensait que la Mini II plairait aux hommes, avec sa tenue de route virile et les 170 chevaux de son moteur Cooper S. Raté. La Mini a de nouveau séduit les femmes. Puis les hommes, mais par ricochet, puisqu’ils aiment les femmes qui roulent en Mini. De fait, la petite anglaise, passée sous pavillon allemand sans rien perdre de son impertinence, est devenue la voiture culte des « DINKS », acronyme qui, pour les gens de marketing, signifie « Double Income, No Kids » : les jeunes couples urbains sans enfants.
BMW s’est remis de son erreur de cible. D’abord, le constructeur germanique a vu arriver des femmes dans ses concessions, lieux qu’elles fréquentaient rarement. Ensuite la Mini II s’est vendue comme des petits pains : 850 000 exemplaires produits à ce jour dans l’usine d’Oxford, qui a dû repousser ses murs pour répondre à la demande. Elle avait été calibrée pour sortir 100 000 Mini par an. Deux fois moins que le public n’en voulait, partout dans le monde. La Mini II a ainsi été diffusée dans 70 pays. Certains n’avaient jamais connu sa mère, dont les États-Unis, qui représentent aujourd’hui 20 % des ventes totales de la Mini. Elle a également posé ses roues sur le continent africain : 4 500 exemplaires commercialisés en Afrique du Sud, 127 en Égypte, 89 au Maroc. Elle n’est pas allée plus loin. Ses capacités de production ne le permettaient pas. La Mini III ne connaîtra cet écueil : agrandie, l’usine d’Oxford peut désormais construire 240 000 unités par an.
BMW a peut-être perdu de l’argent en rachetant Rover. Mais s’est amplement consolé en trouvant la Mini au fond de la corbeille de mariage. Car la Mini II a construit son propre segment du marché, qui n’existait pas avant elle : les citadines « premium ». Autrement dit, celles que le public acquiert sans trop regarder le prix. Il est à ce sujet une anecdote qui en dit long. La Mini II était proposée en trois versions essence : One en entrée de gamme (90 ch, 15 250 euros), S au milieu (115 ch, 18 600 euros), la Cooper S en haut (170 ch, 22 800 euros). La logique aurait voulu que la version One représente l’essentiel des ventes. Mais elle était unicolore. Alors que la S offrait un toit de teinte différente de la couleur de la carrosserie, coquetterie héritée de la première Mini. Que croyez-vous qu’il advint ? La S pèse à elle seule pour 70 % des ventes de la Mini II 3 350 euros de plus pour une teinte bi-ton, et quelques chevaux supplémentaires, il eut coûté moins cher de faire repeindre le toit d’une One. Mais la clientèle Mini ne s’arrête pas à ce genre de détail.
Sonne maintenant l’heure de la Mini III, qui sera dévoilée au Mondial de Paris. Pourquoi remplacer la Mini si tôt, alors que son aînée avait vécu près de quarante ans sans prendre une ride ? Surtout pour n’y presque rien changer : 6 cm de plus en longueur (3,70 m), un bouclier avant redessiné, des phares plus verticaux. En vérité, BMW a tenu à s’approprier un modèle dont la première mouture était pour partie due à Rover. BMW a donc retravaillé le châssis de la Mini, élargi ses voies, et l’a dotée de moteurs maison quand les anciens étaient d’origine Chrysler (essence) ou Toyota (diesel).
BMW entend aussi développer le filon, en donnant à la Mini une vraie famille. Elle a déjà été déclinée en cabriolet. Un break est prévu pour 2008. D’autres variations sur le thème sont dans les tuyaux. Nous n’avons donc pas fini d’aimer la Mini.

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