États-Unis/Iran : donnant-donnant

La coopération entre Washington et Téhéran offre le meilleur espoir de limiter les dégâts dans la région, notamment en Irak.

Publié le 1 juillet 2007 Lecture : 4 minutes.

L’Iran est prêt à aider les États-Unis à stabiliser l’Irak et l’Afghanistan, mais à une condition : une amélioration progressive des relations entre Washington et Téhéran, qui commencerait par l’arrêt complet des opérations clandestines menées par la CIA et le Pentagone pour pousser au « changement de régime ». « Les États-Unis sont comme un renard pris dans un piège » en Irak, disait récemment à Téhéran Amir Mahebian, directeur du quotidien conservateur Reselat. « Quel sens cela aurait-il de rendre sa liberté au renard pour qu’il nous dévore ? »
Dans le cadre de l’une des opérations clandestines les mieux connues aujourd’hui en cours en Iran, les États-Unis font parvenir des armes et de l’argent à des factions ethniques minoritaires non persanes. Mais au cours des récents entretiens américano-iraniens de Bagdad, les délégués iraniens ont fait état de missions de sabotage et d’espionnage au cur persan de l’Iran menées par une milice composée d’exilés persans, les Moudjahidine-e-Khalq (MEK). Les MEK ont soutenu Saddam Hussein lors de la guerre de 1980-1988, et leurs 3 600 combattants sont par la suite restés en Irak. Depuis l’invasion, les services de renseignements américains les ont désarmés, mais ils ont laissé les camps intacts et utilisé des membres des MEK pour des missions en Iran, bien que cette milice figure sur la liste des organisations terroristes du département d’État.
Lors des entretiens de Bagdad, l’Iran a rejeté une proposition américaine d’un transfert des camps au Maroc, m’ont indiqué des conseillers de l’ayatollah Ali Khamenei, le Guide suprême. Ce que veut Téhéran, c’est un démantèlement complet des forces paramilitaires des MEK, en commençant par un processus de filtrage dans le cadre duquel la Croix-Rouge organiserait des réunions entre les MEK et leur famille. Ceux qui choisiraient de retourner en Iran bénéficieraient d’une amnistie.
Le démantèlement des MEK serait la meilleure manière pour les États-Unis de montrer qu’ils sont prêts à améliorer leurs relations avec l’Iran, puisque c’est le seul groupe d’exilés militarisés qui cherche à renverser la République islamique, et que c’est le chouchou du lobby du « changement de régime » à Washington. Alireza Jafarzadeh, président de la vitrine des MEK, le Conseil national de résistance de l’Iran, est régulièrement invité sur la chaîne de télévision Fox News et joue un rôle comparable à celui d’Ahmed Chalabi dans la période préparatoire de l’invasion de l’Irak. Il fait campagne auprès du Congrès et des médias pour un bombardement du site nucléaire de Natanz.
L’impression dominante qui ressort d’une semaine de conversations au plus haut niveau à Téhéran, d’un bord de l’éventail politique à l’autre, est que ce sont l’ayatollah Khamenei et les pragmatiques de son Conseil de sécurité nationale, et non point le président boutefeu Mahmoud Ahmadinejad, qui ont les clés de la politique étrangère et de défense. Et que les problèmes les plus importants, dont la question nucléaire, peuvent se régler avec le temps si les États-Unis finissent par reconnaître la République islamique et se tiennent à l’écart des querelles internes iraniennes entre durs et modérés.
Le président George W. Bush a commis une lourde bévue en annonçant qu’on dégageait 75 millions de dollars pour « promouvoir la liberté du peuple iranien ». Cette déclaration a donné aux durs le prétexte des inadmissibles arrestations de quatre citoyens irano-américains. Les durs sont également renforcés par les pressions exercées à propos du problème nucléaire : les sanctions des Nations unies, le harcèlement des banques iraniennes et l’envoi de deux porte-avions équipés d’appareils à capacité nucléaire au large de l’Iran.
Comment Téhéran voit-il les choses en Irak et en Afghanistan ? Les mesures les plus rentables seraient un partage des renseignements, une contribution à la formation des forces de sécurité et une aide à la reconstruction. En Irak, les dirigeants iraniens déclarent qu’ils pourraient aider à démanteler les réseaux terroristes sunnites et, si les relations avec Washington s’améliorent, à réduire l’influence des milices chiites. L’Iran, disent-ils, est d’accord avec le leader extrémiste Moqtada Sadr : un calendrier fixant le départ des troupes américaines est nécessaire pour apaiser les passions nationalistes qui alimentent l’insurrection. En Afghanistan, indique Alaeddin Boroujerdi, président de la commission des affaires étrangères du Majlis (Parlement), l’Iran est prêt à accroître son aide économique, à accélérer les opérations antidrogue et à intensifier la coopération contre les talibans. Ce qu’il ne dit pas, c’est que si les opérations clandestines américaines continuent, l’Iran pourrait, en représailles, aider les talibans.
Même avec l’aide de l’Iran, il est probable que l’avenir à Bagdad et à Kaboul ne sera pas de tout repos, mais la coopération entre Washington et Téhéran offre le meilleur espoir de limiter les dégâts. C’est particulièrement vrai en Irak, où la destruction du régime à domination sunnite de Saddam Hussein a, comme il était prévisible, préparé le terrain à un régime à majorité chiite influencé par l’Iran et fait d’une amélioration des relations américano-iraniennes dans la région du golfe Persique une nécessité géopolitique de plus en plus impérative.

* Directeur du programme Asie au Center for International Policy de Washington.

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