Vos lettres ou courriels sélectionnés

Publié le 1 mai 2005 Lecture : 6 minutes.

Y a-t-il eu un pape africain ?
Question posée par Inna Bezloudnaïa, Kiev, Ukraine
S i le Nigeria pouvait espérer offrir au monde un pape africain en la personne de Mgr Francis Arinze, préfet de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements (voir J.A.I. n° 2310), celui-ci n’aurait pas pu se targuer d’être le premier originaire du continent à s’asseoir sur le trône de saint Pierre. En effet, le 1er mars 492, un prélat originaire de Kabylie était appelé à présider à la destinée de la toute jeune Église catholique sous le nom de Gélase Ier.
Conseiller très écouté du pape Félix III, Gélase est pénétré d’un devoir de christianisation, qui lui semble être l’une des principales missions du gouvernement de l’Église. En cette fin du Ve et début du VIe siècle, le monde est encore très marqué par le paganisme. Il va donc s’attacher, en douceur mais avec fermeté, à faire disparaître nombre de fêtes païennes au profit de célébrations religieuses. C’est à lui que l’on doit, tous les 2 février depuis 472, la Chandeleur. Autrefois appelée « chandeleuse », elle est issue des parentalia romaines associées aux « lupercales », dédiées au dieu Pan. Gélase la reprend pour le compte de l’Église et organise des processions nocturnes, éclairées par des chandelles – d’où son nom – afin de commémorer la présentation de Jésus au Temple, quarante jours après sa naissance, et sa reconnaissance par Siméon comme « Lumière d’Israël ».
En 495, devenu souverain pontife, Gélase Ier demande, très solennellement, aux chrétiens de choisir, une fois pour toutes, entre le christianisme et les pratiques païennes. Il dédie alors la fête de la mi-février à saint Valentin, que le pape Alexandre VI Borgia transformera, un siècle plus tard, en patron des amoureux.
On doit également à Gélase Ier le rétablissement de l’ascendant du pape face à l’autorité des souverains. Une lettre à Anastase Ier, empereur romain d’Orient, intitulée Famuli vestrae pietatis (« Je m’en remets à votre piété »), datée de 494, explique clairement que l’autorité des prêtres est d’autant plus importante que ceux-ci devront, au jour du Jugement, « rendre compte au Seigneur des rois eux-mêmes ». Pendant son règne, qui va durer un peu plus de quatre ans, Gélase tiendra deux synodes, enseignera la théologie et le droit canon et rédigera plus d’une centaine de lettres, dont quarante-trois seulement ont été conservées entièrement jusqu’à nos jours. On y trouve des prescriptions ecclésiastiques multiples et concernant de nombreux domaines, de la place des femmes dans l’Église aux prérogatives des évêques en passant par les procédures concernant les pauvres, les pénitents, les excommuniés et les hérétiques. Disciple de saint Augustin (354-430) – philosophe et théologien né en Algérie, évêque d’Hippone – quant à la question de la grâce et de la triplicité de la Personne divine, il rappelle sans cesse la primauté romaine sur toute la chrétienté, une opinion exprimée, quinze siècles plus tard, par Mgr Ratzinger, aujourd’hui Benoît XVI. Gélase Ier est décédé le 19 novembre 496.
Valérie Thorin

À quand un pontife noir ?
J’ai été surpris par le souhait, émis çà et là, de voir un Africain élu pape. Je suis catholique pratiquant et je connais bien les Églises africaines. Elles sont soit en période de lancement, soit en phase de croissance. Aucune n’est encore parvenue à maturité. Les facultés de théologie se comptent sur les doigts d’une main. Financièrement, elles dépendent de l’Occident. Beaucoup d’institutions sont encore aux mains des missionnaires. À mon avis, un pape noir ne pourra venir que d’une Église mûre, enracinée dans les valeurs africaines, qui pourra apporter sa pierre à l’édifice qu’est l’Église catholique. Tel a été le cas de Jean-Paul II, qui aimait à rappeler qu’il a fallu trois siècles pour que la catholicité s’intègre dans les valeurs polonaises.
Robert Koubemba, Paris, France

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Jean-Paul II, le sida et la sexualité
Je suis étonné d’entendre les critiques qui ont été faites après le décès du pape Jean-Paul II (voir J.A.I. n° 2310). S’il faut reconnaître que son action n’est pas exempte de reproches, aucune oeuvre humaine ne l’est. Je ne comprends pas la tendance négative affichée par la presse internationale sur les prises de position de l’ancien pape en ce qui concerne la famille, la sexualité, le sida, le mariage des prêtres, l’ordination des femmes. Pourquoi le qualifier de conservateur et, surtout, est-ce un crime de l’être ? Le pape est, avant tout, un homme d’Église, soumis à l’enseignement et aux messages du Christ. Il n’est pas un leader politique ni un chef d’entreprise, qui dirige selon sa propre vision des choses.
E.M. N’Gongo, Kinshasa, RD Congo

Abdelkader et les Marocains
À la suite de votre dossier intitulé « La déchirure » (voir J.A.I. n° 2308), je voudrais apporter les précisions suivantes. L’émir Abdelkader a été épaulé par ses frères marocains jusqu’à la défaite d’Isly. Ensuite, il est devenu persona non grata et pourchassé. Aux historiens de nous expliquer les raisons de ce revirement. Les Algériens n’ont jamais connu le joug ottoman. Le peuple algérien voulait faire partie de l’Empire ottoman (Turquie, Syrie, Palestine, Égypte et Tunisie). Il n’y a pas eu de colonisation et, d’ailleurs, on n’en trouve aucune preuve matérielle ni aucun écrit. Au contraire, on comprend qu’après le déclin de l’Andalousie et conformément à la culture coranique, tous les musulmans de ces pays rêvaient d’un califat.
Abdelkader Mesbah, Strasbourg, France

Espoir en Côte d’Ivoire
Les accords de Pretoria signés sous les auspices du président sud-africain Thabo Mbeki (voir J.A.I. n° 2310) vont enfin permettre de mettre un terme à une guerre qui n’a que trop duré. La candidature d’Alassane Dramane Ouattara, qui a fait l’objet de si vives contestations, a finalement été admise. Il faut donc espérer que les uns et les autres respectent désormais leurs engagements et le verdict des urnes.
Armand Tanoh Yao, Abidjan, Côte d’Ivoire

Une attaque contre l’islam
J’ai entendu le philosophe Michel Onfrey déclarer, avec un aplomb stupéfiant, que « l’islam est antisémite et antidémocratique ». Après le désaveu sévère infligé par le garde des Sceaux français à l’humoriste Dieudonné, beaucoup s’attendaient à une vigoureuse réaction française. En vain. Pourtant, nous savons que l’islam n’a jamais eu pour ambition d’être une nouvelle religion, mais était destiné à rappeler, par la voix de son Prophète, les messages divins antérieurs, révélés par la Torah et l’Évangile, d’ailleurs cités nommément dans le Coran.
Michel Onfrey chercherait-il à nous faire porter le même jugement sur le judaïsme et le christianisme ? Nous ne le suivrons pas, ne serait-ce que par respect pour feu Jean-Paul II, un exemple de tolérance et de compassion pour tous les hommes, et par considération pour l’émotion suscitée par sa disparition, dans l’ensemble de la communauté des croyants à travers le monde. Rappelons enfin que la barbarie des croisades, l’Inquisition dans l’Espagne du XVIe siècle, l’extermination des Juifs d’Europe ne sont pas le fait de l’islam. Du temps de l’Andalousie arabe, les fidèles des trois religions révélées ont vécu en harmonie et le grand bénéficiaire de cette symbiose, que ce soit sur le plan scientifique, littéraire ou artistique, n’est autre que le prospère Occident d’aujourd’hui.
Brahim Roudani, Rabat, Maroc

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Aidons réellement le Niger
J’ai été ravie de lire des nouvelles du Niger, un pays que j’aime (voir J.A.I. nos 2307, 2308 et 2309). Je suis heureuse que l’on se préoccupe de la démographie car on peut se demander ce que vont manger les gens dans ce « pays du rien », où il n’y a ni eau, ni plantes, ni usines, rien que le désert… Cela dit, attention à ne pas jouer les apprentis sorciers, mais veillons plutôt à donner aux Nigériens les moyens financiers de mener une vraie campagne de mise en place de la contraception, avec des hôpitaux adéquats et une information lisible et compréhensible par tous, religieux compris.
Chantal Caillaud, Saintes, France

Rwanda : soyons équitables
J’ai vécu au Rwanda jusqu’au génocide d’avril 1994. Je trouve injuste l’accusation globale formulée dans votre article (voir J.A.I. n° 2309) contre l’Église catholique, qui aurait participé aux massacres, ne serait-ce que par passivité. Les clichés et les idées reçues ont la vie dure. Si, ici ou là, quelques personnes ont eu ce comportement, la grande majorité des catholiques a été plutôt du côté des victimes. Pourquoi ne dit-on pas plus haut, et plus fort, que le Front patriotique rwandais (FPR), lui aussi, a tué ou fait tuer beaucoup de religieux ?
Pierre Castang, Athis-Mons, France

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