Shirin Ebadi, l’équilibriste

Publié le 1 mai 2005 Lecture : 2 minutes.

Pour Shirin Ebadi, les semaines qui viennent jusqu’à l’élection présidentielle du 17 juin seront bien remplies. Et périlleuses. Tout icône de la contestation démocratique et légaliste qu’elle soit devenue, elle sait qu’aucun faux pas ne lui sera pardonné par la très conservatrice police politique de la République islamique. Depuis qu’en octobre 2003 elle s’est vu attribuer le Nobel de la paix, l’avocate iranienne n’a plus un instant à elle. Elle est plus souvent en voyage que chez elle, dans son petit appartement du quartier populaire de Yosefabad, dans le vieux Téhéran, où elle vit avec sa fille cadette de 22 ans – l’aînée poursuit ses études au Canada -, et son mari ingénieur électricien.
La bourse qui lui a été allouée pour son Nobel – 1,3 million de dollars – aurait pu lui permettre de déménager vers quelque banlieue chic, mais c’eût été se couper du peuple. Alors, elle a préféré louer un local attenant à son immeuble pour héberger l’ONG qu’elle a créée. Invitée à d’innombrables colloques internationaux, croulant sous les demandes d’interview, elle s’est adjoint les services d’un traducteur. Mais veille, quand elle est Téhéran, à protéger le peu d’intimité qui lui reste : portable coupé après 20 heures, petits plats et dîner en famille. Elle a beau se revendiquer féministe, c’est elle qui est aux fourneaux : en Iran, un homme ne fait pas la cuisine. Ensuite, elle qui a déjà publié une douzaine d’ouvrages, dérobe quelques heures au sommeil pour mettre la touche finale à son prochain livre… Ses seuls moments de détente ? Des week-ends en famille dans sa maison de campagne près de Téhéran. Et une quinzaine de jours de vacances, l’été, le plus souvent dans la cité balnéaire de Varna, en Bulgarie, sur la mer Noire.

Intransigeante sur les principes et fidèle à ses valeurs, Shirin Ebadi a jusqu’ici réussi à faire passer son message en évitant les provocations inutiles. Et sans prêter le flanc aux tentatives de récupération. Elle se plie aux lois, même si, au fond de son coeur, elle les sait iniques. En voyage à l’étranger, elle enlève son voile, mais le remet lors de ses apparitions publiques en Iran. Si elle ne se prive pas d’égratigner le bilan du régime en matière de droits de l’homme – elle a accepté de défendre la famille de Zahra Kazémi, cette photographe irano-canadienne morte en prison de mauvais traitements, en juin 2004 -, elle s’efforce de s’en tenir aux faits. Ce qui, bien sûr, ne l’empêche pas de profiter des tribunes que lui offre la presse étrangère, et notamment anglo-saxonne, pour épingler l’hypocrisie occidentale sur la question du nucléaire iranien. Et pour dénoncer la logique belliqueuse qui anime George W. Bush et les faucons du Pentagone. Shirin Ebadi est une équilibriste.

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