Omar Kabbaj : « Mon seul regret… »

Publié le 1 mai 2005 Lecture : 3 minutes.

Il nous a rendu visite au Les dix ans qu’il a passés à la tête de la Banque africaine de développement (BAD) ne l’ont pas vieilli. Au contraire. Omar Kabbaj respire la santé. Il ne doute plus, son moral est au zénith. À 62 ans, l’ex-ministre délégué à l’Économie de Hassan II a gagné bien des galons depuis son élection fort inattendue, le 26 août 1995, à la présidence de la seule institution financière panafricaine (elle regroupe les 53 États indépendants du continent). Des galons mérités. La BAD, qu’il a sauvée de la déconfiture, dispose aujourd’hui de ressources financières inespérées et d’une grande crédibilité internationale. Courtisée par les argentiers qui veulent lui prêter de l’argent, elle a attiré les cadres les plus compétents. Sept personnalités africaines sont aujourd’hui candidats à la succession d’Omar Kabbaj.
L’homme qui nous a rendu visite en ce 19 avril est serein. Il arrive tout droit de Washington, où il a été longuement reçu par le futur président de la Banque mondiale, Paul Wolfowitz, en marge des réunions de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (16-18 avril). « Paul Wolfowitz m’a semblé éminemment intéressé par la lutte contre la pauvreté et les projets d’infrastructures en Afrique », témoigne-t-il.

Omar Kabbaj, sixième président de la BAD, s’apprête à terminer en beauté son second et dernier mandat de cinq ans. Reconduit à l’unanimité en mai 2000, il sera, sans aucun doute, acclamé le 18 mai prochain à Abuja, au Nigeria, lors de l’ouverture de la 40e assemblée annuelle de la Banque. « Ceux qui avaient douté de mes capacités en 1995 se sont trompés, et tant mieux », glisse-t-il malicieusement. Lui qui s’était battu pendant quatorze tours de scrutin avant d’être élu peut savourer sa performance.
Le parcours d’Omar Kabbaj est exemplaire. Frais émoulu d’une école supérieure de commerce française (Escae), il intègre, en 1963, la haute administration marocaine puis une banque nationale de développement. Fonctionnaire irréprochable, il grimpe les échelons et se fait remarquer par le roi Hassan II, qui le charge de relancer l’activité de deux sucreries nationales (1970-1979). Mieux : Omar Kabbaj trouve le temps de diriger, en parallèle, le cabinet du ministre des Finances. Hassan II ne s’y trompe pas. Et l’envoie à Washington au sein du gotha de la finance. Entre 1979 et 1993, il participe aux conseils d’administration de la Banque mondiale puis du FMI. De là, il observe la descente aux enfers de la BAD, qui perd la confiance de tous ses bailleurs de fonds. La gestion de son président, le Sénégalais Babacar N’Diaye, pose problème. Ici et là, on prépare des candidats. Visionnaire, Hassan II rappelle Omar Kabbaj et le nomme ministre chargé de l’Incitation économique. Une expérience ministérielle est capitale pour un futur candidat à la BAD. Deux ans plus tard, en février 1995, Hassan II le désigne et lance la campagne. Le Gabon, la Côte d’Ivoire, la France le soutiennent, mais le Nigeria et l’Algérie le rejetteront jusqu’au bout.
En moins de six mois de présidence, Omar Kabbaj débarrasse la BAD de son personnel incompétent et/ou inutile (près de 250 salariés sur 1 250). Le portefeuille est assaini : les projets fumeux sont éliminés (un gain de 2,5 milliards de dollars). Les réformes structurelles sont mises en place une à une et la mobilisation des ressources est relancée : augmentation du capital et reconstitution du Fonds africain de développement. Dix ans après, le bilan est prodigieux : la direction de la Banque travaille en parfaite harmonie avec les administrateurs et les gouverneurs (ministres des Finances) ; le personnel est motivé (compétence, rémunération) ; la confiance des bailleurs de fonds est rétablie (la Banque jouit de la meilleure cote sur les marchés, triple A) ; les systèmes de contrôle sont vigilants (passation des marchés, suivi des projets) ; les stratégies opérationnelles à moyen terme (2005-2007) sont arrêtées (infrastructures, eau et assainissement, pauvreté)… La BAD recrute à nouveau (200 professionnels d’ici à 2006) et se décentralise (25 bureaux nationaux ou régionaux).

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En attendant de passer le relais à son successeur, le 1er septembre, à Tunis, Omar Kabbaj continue de travailler d’arrache-pied. Après quarante-deux ans de vie active, il n’a pas l’intention de prendre sa retraite. « Mon avenir, il peut être au Maroc comme ailleurs, lâche-t-il, énigmatique. Mais je continuerai à lire Jeune Afrique/l’intelligent chaque semaine, au bureau ou en voiture. Mon seul regret, à Tunis, aura été de lire votre journal avec un ou deux jours de retard, le mardi ou le mercredi, alors qu’il est déjà disponible ailleurs dès le dimanche.* » n
* J.A.I. arrive samedi soir aux aéroports de Tunis et de Casablanca. Il est distribué dès le lendemain au Maroc, alors qu’en Tunisie il a besoin d’une autorisation préalable, laquelle n’est délivrée que le lundi soir, voire le mardi.

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