8 mai 1945 Sétif

Publié le 1 mai 2005 Lecture : 2 minutes.

Les Français, et c’est évidemment révélateur de la façon dont ils considéraient alors ces non-citoyens qu’étaient pour eux « les indigènes », n’établiront jamais un chiffre vraiment officiel et crédible des victimes algériennes. L’administration et le ministère de l’Intérieur parlèrent d’abord de 1 000 à 1 500 morts, chiffre jugé fantaisiste partout, avant de réévaluer progressivement à la hausse un décompte qui ne sera pourtant jamais pris au sérieux par les historiens. Après la fin de la guerre de 1954-1962, l’armée française finira par considérer comme probable une estimation d’environ 3 000 victimes. Le colonel Schoen, directeur des Services des liaisons nord-africaines et homme on ne peut mieux renseigné, comme il le démontrera souvent par la suite pendant la guerre, parlera pour sa part rapidement de 5 000 à 6 000 tués, tout comme le journal socialiste de l’époque Le Populaire, reprenant des sources militaires.
Juste après les événements, le général Paul Tubert, qui a dirigé une commission d’enquête envoyée sur place à la demande des autorités françaises, lesquelles craignent non sans raison qu’on n’y ait été – ce sont les mots employés – « un peu fort » pour réduire « les rebelles », aurait évoqué comme hypothèse le chiffre de 15 000 morts. Le rapport de cette commission, plutôt honnête sur bien des points malgré ses sources uniquement européennes, ne donne pas de bilan précis et sera vite enterré par son commanditaire. Aujourd’hui même, un historien français qui s’apprête à publier un long travail sur le sujet croit pouvoir affirmer que l’examen et le recoupement de tous les documents et les témoignages disponibles permettent d’écrire qu’« entre le 8 mai et le 26 juin, en huit semaines, 15 000 à 20 000 Algériens ont été tués dans le département alors français de Constantine, peut-être 35 000 ».
Seule certitude : si l’on élimine les chiffres les plus extrêmes non crédibles, on peut observer que le rapport entre le nombre des victimes musulmanes et celui des victimes européennes se situe quelque part entre 30 et 450. Ce qui, quel que soit le bilan réel des morts, dont on peut se demander s’il sera jamais établi, donne quelques arguments à ceux qui parleront de Saint-Barthélemy ou, comme Ferhat Abbas, d’événements « qui nous ont ramenés aux croisades ». Et conforte la position de ceux qui soutiennent qu’il ne s’agissait pas alors de « simples » crimes de guerre, mais de véritables crimes contre l’humanité.

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