La Mercedes du « Mwalimu »

Publié le 1 mai 2005 Lecture : 3 minutes.

Elle a été placée sous l’escalier, mais on ne peut pas la manquer. La grande Mercedes blanche qui servait à Julius Nyerere pour accueillir les officiels de la sous-région lors des réunions de la Communauté des États de l’Afrique de l’Est (CEA) de 1967 jusqu’en 1977, année où elle a périclité, a désormais sa place au Musée national de Dar es-Salaam. L’ancienne CEA, qui avait eu bien des difficultés à exister, concurrencée par les autres ensembles régionaux que sont la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) ou le Marché commun de l’Afrique orientale et australe (Comesa), n’est plus qu’un souvenir. Il est temps de faire place à une nouvelle Communauté, relancée officiellement le 15 janvier 2001, et à laquelle ses trois membres ont décidé de donner un nouveau souffle. Le Kenya, l’Ouganda et la Tanzanie ont en effet inauguré une union douanière le 1er janvier 2005. Un nouveau marché de 83 millions d’habitants vient donc de voir le jour autour du lac Victoria.

Benjamin Mkapa est à l’origine de cette initiative. Il a même désigné un de ses conseillers pour y travailler exclusivement. Comme en 1967, c’est Arusha qui a été choisi comme « capitale » de la CEA, et les fonctionnaires des trois pays ont réintégré les bureaux du Centre de conférences de cette ville du nord de la Tanzanie, qui héberge également depuis dix ans le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR). Cette fois-ci, retenant les leçons du précédent échec, les trois pays ont choisi la démarche inverse : plutôt que de lancer l’initiative par le haut, on a discuté et élaboré un projet qui n’a été entériné par les présidents qu’en dernier lieu. Pas de précipitation. Et par peur de la puissance kényane, qui inonde déjà ses deux voisins de ses produits bon marché, les trois nations ont négocié des préférences tarifaires pendant les premières années de leur union, en attendant l’ouverture totale des frontières, le temps pour la Tanzanie et l’Ouganda de se mettre à niveau.
Les problèmes et obstacles que va affronter l’union ne sont pas pour autant réglés. Et notamment pour la Tanzanie, qui appartient à plusieurs sous-ensembles régionaux. Si elle s’est retirée du Comesa en 2000 pour jouer la carte de la CEA, elle songe néanmoins à le réintégrer, confrontée aux plaintes de nombreux hommes d’affaires qui regrettent les avantages de l’union très large qu’offrait le Marché commun de l’Afrique orientale et australe, et qui craignent la concurrence féroce du Kenya. La Tanzanie fait partie également de la SADC, ce qui lui permet des liens privilégiés avec l’Afrique du Sud. Si personne ne lui interdit d’appartenir à plusieurs ensembles en même temps, certains, notamment du côté des bailleurs de fonds, ne voient pas cette situation d’un très bon oeil. D’ici à quelques années, l’Union européenne (UE) ne travaillera en Afrique qu’avec les ensembles régionaux. La Tanzanie pourrait donc bénéficier des aides européennes en tant que membre de la CEA, de la SADC et, éventuellement, du Comesa. Une situation manifestement injuste. L’OMC pousse également Dodoma à faire un choix, d’autant que ses deux partenaires font, eux, partie du Comesa. Mais, géographiquement et historiquement, la Tanzanie est tout aussi liée avec ses voisins de l’Est qu’avec les nations australes dont elle a hébergé les leaders lors des guerres de libération. Parallèlement, son appartenance à la région des Grands Lacs pourrait la conduire à accueillir le Rwanda et le Burundi au sein de la CEA.

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Mais on n’en est pas encore là. Ni l’UE ni aucune autre institution internationale n’ont reconnu l’union douanière de la CEA. Et, de tous côtés, on en attend les premiers résultats. Premier test : d’ici au 30 juin 2005, le Kenya et l’Ouganda doivent mettre sur pied des organes de promotion du swahili. Désignée langue officielle chez les deux voisins, le swahili est beaucoup plus usité en Tanzanie. Deuxième langue locale parlée en Afrique après l’arabe, elle est censée devenir la langue de travail de l’union. Mais, sur le site Internet de la CEA, seul l’anglais est à ce jour utilisé…

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