Les Saoudiens en première ligne

Publié le 1 avril 2007 Lecture : 3 minutes.

A Riyad, les 28 et 29 mars, le 19e sommet de la Ligue arabe a étrangement ressemblé à celui qui s’est tenu dans la capitale libanaise il y a cinq ans, jour pour jour. Dans l’un et l’autre cas, les participants ont proposé à Israël une paix durable et une reconnaissance diplomatique en échange de la restitution des Territoires occupés depuis juin 1967. Proposition aussitôt rejetée par les responsables de l’État juif. Mais les similitudes s’arrêtent là, tant, depuis 2002, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts…
L’initiateur de l’offre de paix, Abdallah Ibn Abdelaziz, n’était, il y a cinq ans, qu’un prince héritier en butte aux ambitions de ses demi-frères et néanmoins rivaux du clan des Soudeïri. Le rôle de son pays sur l’échiquier régional avait été très négativement affecté par les attentats du 11 septembre 2001, quinze des dix-neuf kamikazes étant de nationalité saoudienne. Enfin, les Israéliens avaient à l’époque à leur tête un homme à poigne, Ariel Sharon. Aujourd’hui, Abdallah règne sans partage sur l’Arabie saoudite, mais Sharon n’est plus là. Et on imagine mal le pâle Ehoud Olmert, son successeur, aux prises avec une succession d’affaires politico-judiciaires et dont l’impopularité atteint des sommets inconnus jusqu’ici, prendre et faire entériner une quelconque décision engageant l’avenir d’Israël.
Lors des sommets arabes, l’adage « qui ne dit mot consent » ne se confirme pas toujours. À Beyrouth, par exemple, la proposition d’Abdallah avait certes été adoptée à l’unanimité, mais de nombreux dirigeants s’étaient abstenus d’intervenir pour marquer leurs réserves. Tel n’a pas été le cas à Riyad, où les vingt et un chefs d’État ou de délégation présents (Mouammar Kadhafi boycottant ce grand raout arabe) ont bruyamment manifesté l’enthousiasme que leur inspire la relance du « plan Abdallah ».
Il est vrai que la diplomatie saoudienne a connu ces temps-ci quelques succès. C’est elle, notamment, qui a largement contribué à l’arrêt des affrontements fratricides en Palestine entre les miliciens du Fatah et ceux du Hamas. Inamovible ministre des Affaires étrangères, Saoud al-Fayçal, a fait la une de la presse internationale après des déclarations fracassantes à propos de l’occupation américaine de l’Irak, du rôle néfaste de Téhéran dans la guerre civile qui s’y déroule ou du dossier du nucléaire iranien.
En fait, les responsables saoudiens semblent bien avoir pour objectif de supplanter l’allié égyptien en tant que leader du clan des Arabes « modérés ». Au moins aux yeux des Américains. C’est pourquoi ils multiplient les initiatives, se font les porte-parole des sunnites irakiens, s’efforcent de relancer le plan de Taëf pour le Liban, s’impliquent dans la crise du Darfour en contribuant au financement de la force africaine de paix, et suivent de près à la crise en Somalie, un pays « en passe de devenir une base de repli pour le terrorisme international », Abdallah dixit.
À Riyad, le discours d’ouverture du souverain a pris la forme d’une autocritique : « Nous, dirigeants arabes, sommes les principaux responsables de ce qui nous arrive depuis plus d’un demi-siècle. » Ce qu’on pourrait traduire par : on assume, mais on reste en place. La volonté de la diplomatie saoudienne de retrouver son lustre d’antan peut se concevoir. Mais en a-t-elle les moyens ? Financièrement parlant, sans aucun doute, mais humainement ? Le Conseil de famille des Al Saoud ressemble à une réunion du Politburo au temps de la défunte Union soviétique. La moyenne d’âge y est vertigineuse. Quant au ministre des Affaires étrangères, sa santé pourrait être plus florissante. Enfin, et c’est encore plus grave, les plus hautes fonctions sont monopolisées par des princes qui semblent avoir d’autres priorités que de servir l’État.

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