L’art de ne point ennuyer

Publié le 1 avril 2007 Lecture : 2 minutes.

Mille soixante-treize heures : l’histoire politique contemporaine retiendra sans doute ce chiffre. C’est le bilan sans précédent des temps de parole et d’antenne dont ont bénéficié les candidats à l’élection présidentielle française, toutes émissions confondues, avec des succès d’audience eux aussi sans exemple. On le sait par les grandes oreilles du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), où une vingtaine de forçats de l’écoute suivent lesdits candidats, chronomètre à la main. « L’élection présidentielle passionne les Français », nous disait dans ces colonnes le politologue Jean-Luc Parodi. Celle-là, surtout, qui coïncide avec un renouvellement des générations. Quel que soit le gagnant, une nouvelle lignée politique arrivera au pouvoir. Les trois favoris ont vingt ans de moins (dix-neuf pour François Bayrou) que Jacques Chirac, 74 ans. Car en France, victoire ou défaite, on revient toujours dans la course, alors que, dans les autres pays, un échec à ce niveau ne pardonne généralement pas.
C’est maintenant que le plus difficile va commencer, avec les émissions dites officielles. Figées dans les contraintes d’une réglementation soupçonneuse, elles ont été longtemps boudées par le public, qui leur préférait les programmes inventifs et rythmés conçus par les journalistes. Pour mettre fin à cette désaffection massive, le CSA a entrepris de les « moderniser » – façon pudique de reconnaître qu’elles assommaient tout le monde. Il y a partiellement réussi puisque leur audience est passée de 60 millions de téléspectateurs en 2002 à 67 millions pour les européennes de 2004. Avec l’apothéose toujours garantie du duel présidentiel d’entre les deux tours, qui vide les rues et remplit les salons : environ la moitié des Français le regardent.
Les candidats disposent aujourd’hui de toutes les facilités financières et techniques pour se valoriser dans des miniproductions originales, où ils peuvent utiliser toute la panoplie du marketing de communication : effets spéciaux, incrustations ou infographies. On leur laisse le choix des participants, du studio, du réalisateur. On leur demande simplement de « s’exprimer personnellement pendant tout ou partie de l’émission ». Étrange précaution. Imagine-t-on Nicolas Sarkozy abandonner son temps d’antenne à Johnny Halliday ? On leur interdit les appels de fonds, l’usage de l’emblème national ou européen et même de La Marseillaise. Ségolène Royal pourra continuer d’exalter l’hymne national pour chauffer ses meetings, mais ne pourra le faire entendre à la télé. Seule censure : les émissions ne doivent pas « tourner en dérision » les autres candidats. Mais là encore, les comportements ont bien changé. Un prétendant à la magistrature suprême doit aujourd’hui montrer qu’il est un homme comme les autres, parler simple et concret, préférer le sourire à la gravité. Car, simultanément, les électeurs ont beaucoup évolué, eux aussi. Un universitaire spécialiste des compétitions politiques, Pierre Bréchon, en réactualise le portrait. Plus raisonneurs et réfléchis, ils hésitent longtemps, par crainte de faire un mauvais choix, décortiquent les programmes, jaugent les personnalités avant de se décider de plus en plus nombreux au dernier moment.
Les émissions officielles leur rendront un dernier service si elles apportent une clarté nullement superflue dans le fouillis des prétentions, assurances et promesses de l’excitante avant-campagne.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires