La dernière de Moubarak

Publié le 1 avril 2007 Lecture : 3 minutes.

Riyad, 28 mars. Impromptu au sommet de la Ligue arabe. Visiblement, Hosni Moubarak raconte la dernière blague en vogue et l’Irakien Jalal Talabani la trouve bien bonne. Derrière, l’Égyptien Amr Moussa la connaît déjà, le Mauritanien Ely Ould Mohamed Vall n’a manifestement pas le même sens de l’humour, et Abdallah, l’imperturbable roi d’Arabie, se hâte de revenir aux choses sérieuses.
La dernière blague en question n’appartient pas au vaste registre des noukat qu’inventent en permanence les Égyptiens sur celui qu’ils ont surnommé « la vache qui rit ». Celle-ci, par exemple :
Moubarak se promène avec un toutou en laisse. Un quidam le croise, revient sur ses pas, dévisage longuement le raïs, puis demande :
« Que fais-tu avec cet animal ?
– C’est le chien de Suzanne, ma femme.
– Qui t’a parlé, à toi ? »
Non, la dernière, c’est la bonne blague que lui, Moubarak, a faite à ses compatriotes, deux jours auparavant, le 26 mars. Il en rit encore et ne peut s’empêcher de partager son hilarité avec ses pairs. Le référendum La Constitution révisée en un tournemain Pas moins de trente-quatre articles modifiés Trois coups en un, qui dit mieux ? Écoutons-le.
« Il me fallait supprimer l’état d’urgence que j’avais instauré après l’assassinat de ce pauvre Anouar [el-Sadate]. C’était il y a vingt-quatre ans et ça finissait par faire un peu désordre dans une démocratie. Je l’ai donc aboli et remplacé par un dispositif législatif tout aussi commode. Je peux faire ce que je veux : arrêter, garder à vue, comme ils disent (mais mes gardes à vue, on ne les voit jamais), juger, condamner Ce que je veux, mais en toute légalité.

Avant, la justice supervisait les consultations. Pour la forme, pour faire démocratique. Mais un juge somnolant dans chaque bureau de vote, cela faisait beaucoup de monde. Et puis, en 2005, certains ont commencé à se prendre au sérieux. Ils ont découvert mille et une violations de lois et règlements. Des cuistres ! À la trappe ! À leur place, je vais nommer une commission indépendante, comme il se doit. Ce que je veux
Et puis, il y a les Frères musulmans. C’est un peu comme la rougeole, tout le monde l’attrape. Je les connais depuis toujours : ils ont poussé ici, au temps de la monarchie et des Anglais, avant de mener la vie dure à Nasser – qui a dû en pendre quelques-uns. Sadate a essayé de les séduire et leur a laissé la vie. Ils sont devenus très malins et se disent pacifiques pour faire oublier qu’un des leurs, Ayman al-Zawahiri, est le patron d’al-Qaïda. Privés de parti, ils se sont arrangés pour devenir le principal groupe de l’opposition avec 88 députés. Et ils auront leur candidat à la présidentielle. Mais à malin, malin et demi. La loi dispose que, pour avoir un candidat, il faut avoir un parti. Et que, pour avoir un parti, il ne faut pas fricoter avec la religion. Bye-bye, les Frères !

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Et l’avenir, me direz-vous ? L’avenir n’appartient qu’à Dieu, mais j’y ai pensé. Rassurez-vous, les Égyptiens ne m’oublieront pas et continueront de rigoler après moi. Je n’ai pas des frères octogénaires. J’ai un fils et tout ce que j’ai lui appartiendra. La maison, il n’aura qu’à s’y installer, il changera les meubles si ça lui chante, personne ne l’embêtera.
Je vous ai gardé le meilleur : j’ai fait tout ça sans même déplacer les foules pour dire oui. Les bureaux de vote étaient vides. J’ai annoncé 24 % de participation, certains ont dit 5 %, mais ne chipotons pas. Je vous l’ai dit, je fais ce que je veux. Ce que disent nos amis américains ? Rien, ils sont trop occupés en Irak. » Talabani n’arrive pas à réprimer un fou rire.

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