Des rappeurs pour Le Pen

Publié le 1 avril 2007 Lecture : 2 minutes.

« Entre Sarkozy et Le Pen, je choisis Le Pen », déclarait le rappeur Rost le 31 octobre 2006 lors d’une émission de France 5. Sans doute ce jeune artiste de 30 ans venu du Togo à 10 ans et qui a grandi dans le quartier parisien de Belleville a-t-il conscience d’avoir franchi la ligne jaune du politiquement correct. Le « rappeur citoyen » l’assume crânement. En plus de ses activités musicales, il est aussi le promoteur de Banlieues actives, une association qui vient de publier Le Guide du votant, annexé aux programmes des présidentiables. Du coup, le « tout sauf Sarkozy », devenu le gimmick de la planète rap, majoritairement de gauche, s’est transformé en slogan d’une campagne de proximité.
Aux côtés d’autres associations promues par des icônes de l’univers hip-hop, Banlieues actives laboure le terrain des cités franciliennes, incite les jeunes à s’inscrire sur les listes électorales et, le moment venu, à aller voter. Pour qui ? L’artiste nuance les propos qu’il a tenus sur France 5 et s’explique plus calmement : « Je ne voterai Le Pen que s’il est opposé à Sarkozy au deuxième tour. » Face au candidat de l’UMP, il choisit le frontiste parce que « lui, au moins, on sait ce qu’il pense de nous. On sait qu’il ne nous aime pas. » De sa rencontre avec le président du Front national, le 15 février à Saint-Cloud, il retient que « Le Pen est insensible à la souffrance des sans-papiers ». Mais, dans sa logique du « tout sauf Sarko », mieux vaut encore le patron du Front national. Il se défend, toutefois, d’appeler les jeunes à voter pour le FN au premier tour.
Rost n’est pas le seul artiste originaire d’Afrique subsaharienne à avoir rencontré Jean-Marie Le Pen. Patrice Nouma, chanteur né au Cameroun, était aux journées Bleu Blanc Rouge au Bourget, son CD Si tu n’aimes pas la France, sors de la France sous le bras. Un véritable réquisitoire contre un immigré imaginaire qui a débarqué en France : « Tu ne ressemblais à rien/si ce n’est à une tête posée sur un squelette/À peine tu parlais français/Tu étais maigre, chétif, aussi chétif qu’un spaghetti/Et encore, le spaghetti donne de l’appétit/Et toi tu donnes envie de mourir. »
Ce qu’il reproche à cet étranger nouvellement installé en France, c’est de « jeter la pierre là où il a caché la calebasse » : « Une fois sorti de ton coma, tu n’hésites pas à indexer la France/Fais gaffe », éructe-t-il à l’endroit de ce « cousin » que la France « nourrit et soigne à crédit, voire gratuitement, et à qui elle donne le RMI ».
À la sortie de l’album, il l’envoie à tous les leaders des partis, dont celui du Front national, qui l’a trouvé « riche ». Bien accueilli aux BBR, il ne trouve pas Le Pen plus dur que d’autres hommes politiques issus de partis « fréquentables ». On le croyait encarté, mais non. Mettre les thèses de l’extrême droite en chanson ne lui pose aucun problème de conscience. Il inscrit sa démarche dans une perspective pédagogique : il n’est question pour lui que de « demander aux générations actuelles de respecter ce pays ». En attendant, sans doute, d’acquérir une culture politique plus solide…

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