De Gaza à Khartoum

Publié le 1 avril 2007 Lecture : 3 minutes.

Il y a un an, l’Assemblée générale des Nations unies a créé un Conseil des droits de l’homme chargé de promouvoir et de protéger les droits humains. Ce fut pour moi un honneur quand il me demanda de diriger, en compagnie du professeur de droit britannique Christine Chinkin, une mission d’évaluation de la situation des victimes palestiniennes du bombardement israélien de Beit Hanoun, dans la bande de Gaza, et de proposer des mesures pour éviter qu’un tel incident ne se reproduise. C’est pourquoi le refus des autorités israéliennes de nous laisser entrer sur leur territoire nous a profondément contrariés.

Le Conseil se heurte aujourd’hui à un autre État membre de l’ONU qui refuse de coopérer. Lors de sa session spéciale de décembre 2006, il a envoyé une mission de haut niveau chargée d’« évaluer la situation des droits de l’homme au Darfour et les besoins du Soudan ». Khartoum a participé aux négociations qui ont abouti à l’adoption d’une résolution, mais a refusé par la suite de délivrer des visas aux enquêteurs.
Le refus d’Israël de coopérer n’a pas fait obstacle à la ferme condamnation du bombardement de Beit Hanoun par le Conseil. Il n’a servi qu’à empêcher la mission dont je faisais partie de rencontrer toutes les forces en présence, de faire connaître les besoins des victimes de l’attaque et de faire en sorte qu’un tel drame ne se reproduise pas.
De son côté et bien qu’elle ne soit pas arrivée à entrer au Soudan, la mission sur le Darfour a pu poursuivre son activité, en étudiant à fond la situation, en rencontrant des centaines de personnes et en consultant des dossiers. Ses conclusions permettent aujourd’hui d’affirmer que la situation dans la région est, incontestablement, l’une des catastrophes humanitaires les plus graves de la planète.
Aussi incroyable que cela puisse paraître, le Soudan cherche à se servir de son refus de coopérer afin d’empêcher l’examen du rapport et les recommandations de la mission qui y a été envoyée. Pis : il invoque le cas israélien pour demander à ce qu’il ne soit pas tenu compte du document, tentant d’établir un lien spécieux entre l’interdiction d’entrée sur son territoire prononcée par l’État hébreu – décision sur laquelle l’instance onusienne ne pouvait rien – et le travail remarquable que l’équipe du Conseil a réalisé sur le Darfour.
La position soudanaise est complètement absurde. Elle menacerait de déconsidérer le Conseil des droits de l’homme si elle était acceptée. Ce dernier ne doit donc pas laisser le Soudan bloquer l’examen, urgent, et la condamnation des graves violations des droits de l’homme au Darfour. Il a, au contraire, besoin de la coopération de tous les États membres de l’ONU – y compris Israël et le Soudan – pour remplir du mieux possible sa mission. Plus important encore : il doit se montrer capable de dénoncer les violations des droits de l’homme, quels que soient le moment et l’endroit où elles ont lieu, même si un gouvernement refuse de coopérer.
Israël et le Soudan ont eu tort de se comporter comme ils l’ont fait, mais l’erreur de l’un ne peut en rien justifier celle de l’autre, et elle ne doit en aucun cas servir d’argument pour ne pas dénoncer toutes les violations des droits de l’homme. Le Conseil doit se préparer à agir immédiatement sur la base du rapport de sa mission sur le Darfour, et prendre toutes les mesures en son pouvoir pour aider les centaines de milliers de victimes de la région.

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