Ça, c’est palace !

De plus en plus attirées par le continent, les grandes enseignes mondiales diversifient leur offre. De la luxueuse suite à la chambre économique.

Publié le 1 avril 2007 Lecture : 5 minutes.

Champagne pour tous à la piscine ! Avec un taux de croissance de 8,1 %, l’année 2006 s’est à nouveau achevée sous les meilleurs auspices pour l’industrie touristique africaine. Outre qu’elle enregistre une nouvelle augmentation de sa fréquentation après les 8,5 % de visiteurs supplémentaires en 2005, elle reste, pour la deuxième année consécutive, la destination qui a connu la plus forte hausse dans le monde, devant la région Asie-Pacifique (+ 7,6 %) et l’Europe (+ 3,9 %). Une performance qu’elle doit à l’attractivité constante du Maghreb – Égypte, Maroc et Tunisie notamment -, où les arrivées ont augmenté de 5,8 % l’an dernier. Mais aussi, et surtout, au dynamisme croissant de l’Afrique subsaharienne, qui a vu défiler, en 2006, 9,4 % de visiteurs de plus qu’en 2005.
Acteurs majeurs du secteur, les grands groupes hôteliers internationaux se réjouissent d’une telle conjoncture. Présentes respectivement dans onze, six, quatre, trois et deux pays d’Afrique, les chaînes Hilton, Intercontinental, Mövenpick, Hyatt et Marriott la regardent avec attention. Même si ce sont surtout le français Accor et l’américain Starwood, leaders sur le marché grâce à leur implantation dans respectivement vingt-trois et seize pays, qui restent les plus concernés par la fréquentation du continent. La zone est, certes, loin de constituer leur cur d’activité, mais n’en demeure pas moins stratégique pour les deux multinationales : sollicitée par Jeune Afrique, l’une et l’autre ont refusé de nous communiquer leur chiffre d’affaires régional, où elles nourrissent d’importantes ambitions.
« Évidemment, l’Afrique ne représente qu’une très faible part de notre chiffre d’affaires, mais elle reste pour nous un excellent espace d’expérimentation, tant sur le plan du développement durable que de la formation », confie toutefois Jean-Luc Motot, le directeur du groupe Accor pour l’Afrique et le Moyen-Orient. La firme y teste notamment un concept d’« hôtel vert », censé mettre l’accent sur le respect de l’environnement via l’utilisation de produits locaux biodégradables ou recyclables, et un programme d’« africanisation » de ses établissements, pour rompre avec l’atmosphère aseptisée des hôtels internationaux. « L’Afrique conserve aussi un poids historique très important au sein du groupe. Nous avons eu jusqu’à quinze enseignes au Gabon par exemple [contre une seule actuellement, un Novotel de cent trente et une chambres à Libreville, ndlr] », poursuit ce dernier.
Avec cent huit établissements répartis entre ses quatre plus célèbres marques – Sofitel, Novotel, Mercure et Ibis -, Accor fait aujourd’hui figure de numéro un sur le continent. Et compte bien le rester. « La fibre africaine de l’entreprise est toujours vivace. Quand Gilles Pélisson, son directeur général, a annoncé l’an dernier vouloir créer plus de 200 000 chambres dans le monde d’ici à 2010, il ne pensait ni à l’Europe ni à l’Amérique », reprend Motot. Les deux tiers (67 %) de ces ouvertures doivent en effet avoir lieu dans des pays émergents, « principalement dans l’hôtellerie économique et très économique », note un communiqué de mars 2006.
L’ouverture d’une cinquantaine d’Ibis est notamment prévue en Afrique, pour capter la clientèle locale en lui proposant des chambres à des prix abordables – de l’ordre de 40 000 F CFA (60 euros) la nuit. « Alors que la clientèle des Sofitel est étrangère à 50 %, celle des Ibis est africaine à 80 % », avance le directeur Afrique/Moyen-Orient, qui voit dans le développement des communautés économiques régionales africaines comme la Cedeao (Afrique de l’Ouest) ou la Cemac (Afrique centrale) des occasions à ne pas manquer. « Elles conduisent à une hausse de la circulation des entrepreneurs locaux qui recherchent des hôtels bon marché de qualité pour se loger », affirme-t-il. L’idée est aussi de diversifier l’offre du parc hôtelier, avant tout constitué d’établissements haut de gamme. « Le marché se structure toujours par le haut, parce que la demande émane d’abord des hommes d’affaires et des hauts fonctionnaires qui voyagent dans le cadre de leur activité professionnelle. Mais désormais, notre objectif est d’élargir la gamme », explique Motot.
Spécialisé dans l’hôtellerie de luxe, Starwood, qui possède quarante-deux établissements en Afrique, a également l’intention de densifier ses implantations. Les grandes manuvres ont véritablement commencé en novembre 2005, avec le rachat par le groupe américain de la marque Le Méridien à la banque japonaise Nomura International (voir encadré page suivante). Les vingt-quatre établissements africains de l’enseigne ont alors permis à Starwood de prendre pied dans six nouveaux pays d’Afrique et de l’océan Indien, francophones essentiellement, où il n’était pas présent : Gabon, Cameroun, Tchad, Sénégal, Seychelles et Maurice.
Aujourd’hui encore, les projets vont bon train. D’ici à deux ans, le groupe américain prévoit au moins l’ouverture de quatre nouveaux palaces africains : le Sheraton Gambia Hotel en Gambie dès cette année, Le Méridien Ibom Hotel à Uyo, au Nigeria, et Le Méridien Dahab, en Égypte, en mai 2007, suivi par le Méridien Cairo Airport l’année suivante. À l’instar des autres établissements du groupe en Afrique, ces quatre hôtels ne lui appartiendront pas en propre : « Notre objectif n’est pas de détenir des murs, mais de gérer des hôtels », ajoute, de son côté, le directeur Afrique/Moyen-Orient d’Accor, qui pratique peu ou prou la même politique.
Seul bémol dans cet idyllique tableau : un cercle restreint de quelques pays africains seulement tire profit des projets des grandes chaînes hôtelières internationales. L’activité des Hilton, Intercontinental, Mövenpick, Marriott et Hyatt reste largement centrée sur l’Égypte : 17 des 28 hôtels Hilton, 7 des 13 établissements Intercontinental, 12 des 15 palaces Mövenpick, 7 des 8 enseignes Marriott et 3 des 5 adresses Hyatt sur le continent se situent au pays des Pharaons. « Nos principaux terrains d’action sont l’Égypte et le Nigeria, où l’activité touristique d’une part, les projets pétroliers de l’autre, représentent de belles opportunités », confirme Hassan Ahdab, le directeur général régional de Starwood pour l’Afrique et l’océan Indien.
« Notre stratégie consiste à nous concentrer sur les marchés où nous pouvons mettre en place des réseaux, comme en Afrique du Sud, au Maroc, en Algérie, et dans une moindre mesure au Nigeria, explique de son côté Jean-Luc Motot d’Accor. Le problème de l’Afrique, subsaharienne notamment, c’est que beaucoup de pays sont bâtis sur le même schéma : un vaste territoire où l’activité économique se concentre dans une ou deux villes seulement. En Afrique du Sud au contraire, les villes sont beaucoup plus nombreuses. Il y a Johannesburg bien sûr, mais aussi Pretoria, Durban, Le Cap ou encore Bloemfontein. Inversement, prenez la Côte d’Ivoire : il existe déjà un Sofitel, un Novotel et deux Ibis à Abidjan. Comment voulez-vous envisager des réseaux dans ces conditions ? L’extension de notre activité y est donc forcément limitée… »

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