Or noir au pays de l’or blanc

En signant cinq conventions avec un consortium international, Bamako fait une entrée remarquée sur la scène pétrolière mondiale.

Publié le 31 octobre 2004 Lecture : 4 minutes.

C’est en grande pompe que le Mali fera son entrée sur la scène pétrolière mondiale : il
sera présent pour la première fois de son histoire au forum « Africa Oil and Gas » qui se tiendra du 29 novembre au 1er décembre à l’hôtel Intercontinental de Houston, aux États-Unis. La voie lui est en effet désormais largement ouverte depuis la signature, le 28 octobre, à l’hôtel Kempinski-El Farouk de Bamako, de cinq conventions de « partage de production d’hydrocarbures » avec un consortium international, Baraka Mali Ventures
Limited (BMV).
Mais il ne faut pas s’y tromper : il n’y a rien à partager pour le moment. Les conventions pétrolières s’appellent ainsi pour tenir compte de l’évolution du marché sur les plans juridique, fiscal et financier. On ne parle plus de « permis de recherche », mais de « partage de production ». Les compagnies sont désormais tenues d’aller jusqu’au bout (recherche, exploitation, transport). Lesdites conventions constituent une garantie pour le pays exploré et pour l’explorateur. Le partage de la production « à découvrir » étant codifié, l’investisseur sait donc avec précision ce qu’il lui en coûtera et combien cela lui rapportera en cas de succès. Seule inconnue : ce que contient le sous-sol. Et ce risque, les firmes pétrolières l’assument aujourd’hui en prenant en charge la totalité des investissements, le pays hôte offrant une fiscalité attrayante et les facilités d’accueil nécessaires. Le nouveau code pétrolier malien est, de l’avis des experts, plus compétitif que celui des pays de la région (Tchad, Mauritanie, Soudan), l’Algérie et la Libye, deux gros producteurs, étant des cas à part.
Le Mali possède cinq bassins sédimentaires potentiellement riches en hydrocarbures : Taoudeni, Gao, Iullemeden, Tamesna et Nara. Le Taoudeni s’étend de la Libye au Mali. Ses couches pétrolifères, situées entre 2 km et 5 km de profondeur, sont vieilles de 600 millions d’années. Elles ont favorisé la transformation, en plusieurs étapes, des micro-organismes et des végétaux qu’elles contenaient en pétrole, gaz et eau. Sous la pression du gaz, le pétrole migre des « roches mères » vers des « roches réservoirs ». Les gisements se forment lorsque le pétrole est « piégé » grâce à la présence de « roches imperméables » en couverture. Sans ces dernières, le pétrole poursuivrait sa migration et se calcinerait.
Au Mali, comme en Mauritanie, les premiers indices, découverts dans les années 1960 à 1980, l’ont été en plein désert et à une époque où le baril de pétrole valait 20 dollars, ou moins. L’absence de rentabilité – et d’engagement à moyen terme des compagnies – a donc conduit les explorateurs à fermer les puits de forage et à s’en aller. Des traces de gaz et de pétrole avaient été découvertes à Haousa, à Agbolag, à Yarba et à Atouila. Beaucoup de travaux de sismique pour quatre forages en tout et pour tout.
Avec les découvertes prometteuses en Mauritanie, l’explorateur australien Max de Vietri s’est intéressé au prolongement naturel du Taoudeni à l’intérieur du Mali (voir J.A.I. n° 2267). Il a trouvé des oreilles très attentives, surtout celles du président de la République, Amadou Toumani Touré. ATT lui a dit, dès leur première rencontre, fin mai : « Je me couche en pensant au pétrole, je rêve de pétrole et quand je me réveille, je pense encore au pétrole. »
La facture pétrolière malienne (150 milliards à 200 milliards de F CFA par an) absorbe le quart environ des recettes en devises. Depuis le coup de pouce donné par ATT, la marche vers le pétrole – nouveau code, nouvelles conventions – s’est accélérée, sous l’impulsion notamment de Hamed Diane Semega (ministre des Mines, de l’Énergie et de l’Eau) et de Ousmane Thiam (ministre de la Promotion, des Investissements et des PME, porte-parole du gouvernement). Après plusieurs concertations avec les experts et les juristes, le code pétrolier a été finalisé (et voté par le Parlement), les blocs de recherche ont été délimités (15 blocs de 800 000 km2 au total, soit 65 % de la superficie du pays) et une Autorité pour la promotion de la recherche pétrolière a été créée (en août). « Ce changement a suscité un énorme intérêt dans le monde auprès des compagnies pétrolières », nous a confié un Ousmane Thiam euphorique.
Et pour cause : cinq blocs (nos 1, 2, 3, 4 et 9) ont été « achetés » d’un coup par le consortium BMV, formé par Max de Vietri avec des partenaires financiers de Mauritanie (Isselmou Tajedine), d’Australie et d’Europe. BMV s’engage à investir dans le bassin de Taoudeni qui lui revient (193 200 km2) 51 millions de dollars sur quatre ans. Atout inédit pour le Mali : BMV consacrera en plus 1 million de dollars par an à la formation d’experts maliens et à la promotion du code pétrolier à l’étranger, notamment aux États-Unis, en Europe et en Chine. Des contacts sont déjà programmés à Houston et à Pékin avec les plus grandes firmes américaines et chinoises.
Aujourd’hui, le problème de la rentabilité du bassin malien ne se pose plus : le prix actuel du baril et son évolution future permettent, selon le directeur d’exploration de BMV, Reymond Satyavan, géologue et géophysicien suisse, d’envisager l’avenir avec optimisme. BMV ouvrira ses bureaux à Bamako prochainement et entamera les travaux de prospection le plus rapidement possible : analyse des données sismiques anciennes, survol scientifique des sols (gravité et magnétisme), prise de nouvelles données sismiques… C’est une infrastructure lourde qui se mettra sur le terrain, avec des dizaines de camions et de bulldozers, des centaines d’ouvriers, des cuisiniers, des médecins, des agents de sécurité… Tous les espoirs sont permis. Et l’enthousiasme suscité par l’engagement de Max de Vietri – qui a eu du flair en Mauritanie où l’or noir jaillira en novembre 2005 – devrait faire tache d’huile.

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