Ce qui attend Ben Ali
Faire face à la libéralisation des échanges, avancer vers la convertibilité totale du dinar, encourager les investissements extérieurs, tels sont les principaux défis que devra relever le président.
Le président Zine el-Abidine Ben Ali a remporté une facile victoire à l’élection présidentielle du 24 octobre. Mais son quatrième mandat de cinq ans ne sera pas de tout repos sur le plan économique. La concrétisation des objectifs ambitieux de son programme électoral (voir encadré) dépend dans une très large mesure de deux échéances majeures : le démantèlement, en janvier 2005, dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), de l’Accord multifibre, mais aussi, et surtout, la mise en place, en 2008, de la zone de libre-échange avec l’Union européenne (UE) élargie, dont les mesures les plus douloureuses n’ont pas encore produit tous leurs effets. Premier pays méditerranéen à avoir signé un tel accord en 1995, la Tunisie sera aussi la première à subir les répercussions de la suppression totale des barrières douanières. Dans les deux cas, et de façon on ne peut plus prévisible, l’ouverture sur les marchés mondiaux se doublera d’une concurrence plus forte, donc de risques accrus pour la compétitivité de l’économie. Seront touchés l’industrie, et notamment le textile-habillement, qui représente près de la moitié des exportations et de l’emploi manufacturiers, la production agricole et les services. Dans ce dernier secteur, la concurrence sera lourde de conséquences vu l’importance des échanges extérieurs : la part des exportations de biens et services dans le PIB est estimée à 45 %, celle des importations à 50 %.
Malgré les risques qu’elles présentent, le président Ben Ali peut transformer ces deux échéances en atouts et faire accéder le pays à un stade supérieur de développement. Pour y parvenir, deux voies parallèles s’ouvrent à lui, l’une sur le plan extérieur, l’autre sur le plan intérieur. La première consiste à préparer minutieusement les négociations en vue de l’adhésion tant attendue de la Tunisie à la « Politique du nouveau voisinage européen » concoctée par l’UE. Cette initiative vise à intégrer quelques pays méditerranéens et à améliorer les conditions de leur partenariat avec l’Union en rendant celui-ci effectif, en dehors de toute discrimination. La seconde voie réside dans le renforcement de la capacité d’adaptation et de réactivité du pays, dans le public comme dans le privé, afin de conserver ses parts de marché extérieur et d’en conquérir de nouvelles.
Deuxième grand dossier en attente sur le bureau du président : la mise en route du processus devant conduire à la convertibilité totale du dinar – pour l’instant, celle-ci ne s’applique qu’aux opérations courantes. Cet élément clé du programme de Ben Ali s’inscrit dans la logique d’une mondialisation impliquant ouverture sur l’extérieur et « convergence » des systèmes financiers et bancaires avec ceux de l’UE. La convertibilité totale du dinar est nécessaire pour faire de Tunis une place financière régionale, un site capable d’attirer davantage les investissements extérieurs. Elle offre aussi aux entreprises locales la possibilité de mobiliser des ressources financières extérieures ou d’investir à l’étranger pour étendre leurs réseaux. Fondée sur la libération des capitaux, elle entraînera, entre autres, une plus grande flexibilité au quotidien du taux de change du dinar, ce qui permettra d’améliorer la compétitivité des produits tunisiens et renforcera la position de change extérieure du pays. Les institutions internationales, notamment le Fonds monétaire international (FMI), soutiennent cette démarche.
Le troisième grand dossier concerne les investissements étrangers. La consommation croissant plus vite que la production, l’épargne nationale est faible (avec un taux de 22 % du PIB en 2003). Pour financer les investissements, le recours aux ressources extérieures s’impose. Jusque-là, et malgré des avantages certains par rapport à d’autres pays, l’apport des investisseurs étrangers reste modeste dans le secteur manufacturier : 200 millions d’euros en moyenne et par an. Or il faudrait multiplier ce chiffre par deux ou par trois. La convertibilité totale du dinar fournit un argument de poids pour inspirer la confiance et attirer les capitaux nécessaires.
Comment pallier les faiblesses d’un pays émergent et l’amener au stade envié d’économie avancée ? D’abord, en améliorant la bonne gouvernance à tous les niveaux et en exigeant une meilleure productivité dans l’entreprise et au sein de l’administration. Mais la réforme la plus urgente concerne le secteur bancaire. Selon une analyse de l’agence de notation Maghreb Rating en date du 18 octobre, les créances classées (crédits non remboursés) du secteur représentaient 23,4 % des fonds propres fin 2003. Et, d’après les détails publiés par l’intermédiaire en Bourse Tunisie Valeurs, seules la Banque de Tunisie et, dans une moindre mesure, la Banque de l’habitat affichent des taux acceptables. Certes, comme le souligne l’agence, tout le monde sait que l’État tunisien n’hésitera pas à intervenir pour soutenir, en cas de nécessité, une banque locale. Cette possibilité, ajoutée au fait que la Banque centrale suit de près la situation, a de quoi rassurer. Mais la question demeure : pourquoi ne pas amener les banques, publiques ou privées, qui ne disposeraient pas de provisions suffisantes pour couvrir les impayés à faire appel à l’épargne publique ou extérieure pour augmenter leurs capitaux ?
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