Top 200 : après l’accalmie, le chaos
Forts d’avoir échappé aux conséquences les plus ravageuses de la crise financière mondiale, les établissements africains ont vu leurs revenus et leurs bénéfices repartir à la hausse en 2010. Toutefois, comme le montre le début de l’année 2011, les risques restent élevés.
Avec le recul, 2010 fut une année de répit. Coincée entre un cru 2009 marqué par les conséquences indirectes de la crise financière occidentale (baisse des transferts d’argent de la diaspora, chute de la demande pour les matières premières et des investissements) et une année 2011 chaotique.
Laquelle des banques tunisiennes ou égyptiennes se doutait alors des lendemains incertains qui l’attendaient ? Quel financier ivoirien aurait pu prédire que, quelques mois plus tard, en pleine crise politico-électorale, deux des principaux établissements du pays (de surcroît filiales de groupes étrangers) seraient nationalisés par un gouvernement illégitime ? On savait que la vie des banquiers était stressante mais confortable. On saura maintenant qu’elle peut basculer du jour au lendemain…
Quel financier ivoirien aurait pu prédire que deux des principaux établissements du pays seraient nationalisés par un gouvernement illégitime ?
Et pourtant, malgré ces soubresauts, financiers un jour, politiques le lendemain, jamais le secteur bancaire africain n’a bougé aussi vite. Reprenant leur chemin vers la croissance, avec un total de bilan cumulé en hausse de 14,7 % et un produit net bancaire également dans le vert (+ 21 %), les deux cents premières banques africaines ont quitté, pour la plupart, le règne de la passivité pour entrer, de plain-pied, dans celui de la compétitivité. Certes, il reste énormément de chemin à parcourir pour un certain nombre d’entre elles. Ainsi, le secteur a beau être l’un des principaux pourvoyeurs d’emplois salariés à travers le continent, de nombreux établissements n’ont, aujourd’hui encore, pas développé de services de ressources
humaines à la hauteur des enjeux. Cependant, la banque tranquille, concentrée sur le financement du grand commerce et des grands projets, semble remisée. Place à la banque de détail dynamique et conquérante, à la sauce africaine.
Le décor est planté, restent les acteurs. Un peu partout, chacun prend sa place sur l’estrade. Les plus avancés, comme Ecobank, mettent une dernière touche à leur développement panafricain et tentent d’en tirer enfin tous les bénéfices. Les uns continuent sans relâche de tisser leur toile, d’autres l’esquissent à peine, d’autres encore la défont. Et certains, enfin, reprennent l’ouvrage qu’ils avaient abandonné quelques années plus tôt. C’est le cas, par exemple, de BPCE, qui revient en force sur le continent. Banque populaire, l’un des deux piliers du deuxième groupe bancaire français, avait pourtant abandonné son partenaire Bank of Africa (BOA). Il est cocasse de voir aujourd’hui BPCE racheter des participations dans des banques subsahariennes – récemment au Mali, à Madagascar, et incessamment en Côte d’Ivoire – alors qu’il était à un moment le candidat idéal pour épouser BOA. Depuis, le groupe fondé par Paul Derreumaux a fait son chemin et vogue désormais aux côtés du marocain BMCE Bank.
Jamais les financiers chérifiens n’auront été aussi incontournables.
En 2011, d’ailleurs, jamais les financiers chérifiens n’auront été aussi incontournables. Dans le secteur bancaire : Attijariwafa Bank finalisant une énième prise de contrôle, celle de la Société camerounaise de banque, et BMCE Bank prenant le contrôle opérationnel de BOA. Mais aussi – c’est désormais officiel – dans l’assurance. Avec le holding Saham, propriétaire du premier assureur indépendant du royaume, prenant le contrôle de l’ivoirien Colina et prévoyant une accélération de ses implantations africaines.
Et désormais avec BMCE Bank, dont le président Othman Benjelloun révèle la création d’une filiale panafricaine d’assurances, qui accompagnera le réseau BOA. Ne reste plus désormais qu’à Attijariwafa Bank, qui vient de lancer sa banque d’affaires sur les marchés subsahariens, à annoncer ses ambitions dans l’assurance, et le trio RMA Watanya – Wafa Assurance – CNIA Saada sera reconstitué au sud du Sahara !
Dans le même temps, les groupes nigérians, si dynamiques en 2008, ont perdu de leur superbe. Concentrés sur le nettoyage de leurs bilans, ils ont en tout cas sérieusement ralenti leur développement hors du pays. Certains ont tout simplement mis un terme à leurs activités à l’étranger. C’est le cas par exemple d’Oceanic Bank, qui a cédé ses activités en Gambie. D’autres ont levé le pied : en témoigne le cas d’Access Bank, qui a annoncé le recentrage de sa filiale ivoirienne sur les seules activités de banque corporate. United Bank for Africa semble le seul acteur, pour l’instant, à réellement poursuivre une stratégie ambitieuse, bien que les premiers fruits de ces développements se fassent toujours attendre. La période ouverte par l’audit mené mi-2009 par la Banque centrale nigériane – et qui avait conduit à la reprise en main de plusieurs établissements – semble se refermer. Trois banques, incapables de se recapitaliser, ont été purement et simplement nationalisées. Quand à Oceanic Bank et Intercontinental Bank, ils disparaîtront dès l’année prochaine de notre classement : les deux doivent être repris et absorbés d’ici à la fin de cette année 2011, respectivement par Ecobank et Access Bank.
Il y a tout juste un an, cette même double page était titrée : « Le mouvement est lancé ». L’affirmation, malgré les bouleversements politiques, est toujours vraie aujourd’hui. Mais de ce contexte mouvant personne ne sait réellement ce qui sortira. Après la tentative – avortée – de prise de contrôle du sud-africain Nedbank par le géant britannique HSBC en 2010, quel coup de semonce attend le secteur en 2012 ? Les mois qui viennent le diront. En attendant, le classement exclusif que nous vous présentons à partir de la page 53 est le témoin précis, le seul du genre, des mouvements qui affectent les banques africaines. À lire attentivement.
Un travail unique
Notre base de données répertorie 772 banques et 467 sociétés d’assurances. Chacune d’elles a été contactée au moins une fois et jusqu’à six fois pour notre enquête. Il nous aura fallu sept mois pour obtenir 418 réponses de banques et 145 de sociétés d’assurances et réaliser ainsi les classements des 200 premières banques africaines, des 100 premières sociétés d’assurances et les classements régionaux y afférents. Les éléments financiers ont tous une source clairement définie et, pour la plupart, nous ont été communiqués par les entreprises. Ces classements portent sur l’exercice 2010. Lorsque les résultats nous ont été communiqués en monnaie locale, ils ont été convertis en dollars, au taux de change en vigueur au 31.12.2010 (source : www.oanda.com). Lorsque nous ne parvenons pas à obtenir de données actualisées, nous gardons celles du classement précédent (en le signalant en italique). Au bout de deux ans sans nouvelle d’un établissement, il disparaît du classement. J.B.
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