Canal France International ne fournira plus de programmes aux chaînes de télé africaines

À partir de juillet, l’agence française de coopération avec les médias africains ne leur distribuera plus de programmes. Un changement de stratégie précipité par des coupes budgétaires.

L’agence française CFI existe depuis 1989 © Dessin / Glez.

L’agence française CFI existe depuis 1989 © Dessin / Glez.

Julien_Clemencot

Publié le 3 mars 2015 Lecture : 3 minutes.

Les courriers qui sont partis il y a quelques jours de l’avenue de Wagram risquent de faire tousser les patrons des chaînes publiques africaines. Étienne Fiatte, directeur général de Canal France International (CFI), le couteau suisse du Quai d’Orsay en matière de coopération avec les médias du Sud, leur annonce l’arrêt, à partir de juillet, de la distribution de programmes (à l’exception de ceux de l’Agence France Presse) dont ils bénéficiaient depuis 1989. L’an dernier, CFI a en effet fourni plus de 770 heures de documentaires et de films et surtout 300 heures de sujets d’information aux télévisions du continent.

« Nous avions prévu d’y mettre fin, mais pas aussi brutalement. L’activité était initialement programmée jusqu’en 2017 », reconnaît le patron, passé auparavant par le ministère des Affaires étrangères et l’Institut national de l’audiovisuel (INA). Très critique envers un système qui s’apparentait trop selon lui à de l’assistanat, Étienne Fiatte avait, dès son arrivée à la tête de CFI en 2008, fait évoluer le dispositif. Il avait ainsi demandé aux chaînes une contrepartie financière. Des abonnements à prix modérés – au maximum 14 000 euros par an -, très loin des montants réellement engagés – 1,1 million d’euros l’an dernier.

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Sans tact

Mais le plan d’économie de 50 milliards d’euros du gouvernement français, annoncé début 2014, n’a pas vraiment laissé le choix à CFI. Ni le temps de gérer son désengagement avec tact. « Sur les trois prochaines années, notre budget va être diminué de 40 %. Notre subvention annuelle va passer de 10,5 millions à 7,3 millions d’euros en 2017. Nous avions déjà perdu 40 % de notre dotation au cours des dix dernières années », rappelle Étienne Fiatte.

Le démantèlement de l’activité de fourniture de programmes avait commencé l’an dernier avec la fermeture de l’Agence internationale d’images de télévision (AITV). Cette filiale de France Télévisions produisait, depuis 1985, des sujets d’actualité destinés aux chaînes africaines. « Cela coûtait à CFI 1,5 million d’euros. Et cela ne correspondait plus au modèle de coopération que nous prônons. Tous les reportages étaient montés et commentés à Paris puis livrés prêts à diffuser », explique Étienne Fiatte.

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Parti pris

Faut-il aussi voir dans ces décisions une volonté de laisser la place aux médias hexagonaux, Canal + et Lagardère en tête, qui ne cachent plus leurs ambitions d’expansion au sud du Sahara ? « Bien sûr, notre mission est aussi de les appuyer, mais la décision du Quai d’Orsay repose sur une contrainte budgétaire », estime Étienne Fiatte. Le directeur général craint par ailleurs que le retrait anticipé de CFI ne déstabilise certains producteurs africains, à qui il achète des programmes. En 2014, 39 heures de documentaires avaient été acquises localement. Des mesures d’accompagnement devraient être néanmoins proposées.

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L’orientation prise par le ministère des Affaires étrangères, autorité de tutelle de CFI, surprend, au moment où l’Afrique a trouvé sa place à l’avant-scène de la diplomatie économique française. D’autant que les autres agences européennes de coopération avec les médias du Sud bénéficient de davantage de moyens. Si le groupe audiovisuel britannique BBC a été mis au régime, sa filiale chargée de cette aide au développement a signé en 2011 un accord avec le gouvernement lui garantissant près de 90 millions de livres (121 millions d’euros) sur cinq ans (2011-2016).

Selon Étienne Fiatte, cette nouvelle situation ne remet pas en cause l’intérêt porté à CFI. Elle acte au contraire le parti pris, ces dernières années, de le repositionner sur le conseil aux médias. Qu’il s’agisse d’appuyer les télévisions publiques dans leur processus de modernisation au Mali ou en Côte d’Ivoire, de promouvoir le pluralisme au moment des élections comme ce sera bientôt le cas au Burkina Faso, ou d’accompagner l’émergence de nouveaux médias en ligne. Mais s’il veut inscrire ses projets dans la durée, Étienne Fiatte devra aussi trouver de nouveaux financements, par exemple auprès de l’Union européenne.

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