Abdou Cissé : « La réglementation sur le paiement des sinistres doit être durcie »

Abdou Cissé, spécialiste des assurances en Afrique subsaharienne, revient sur l’investissement croissant des groupes occidentaux sur le continent et la nécessité de mieux structurer ce marché.

Abdou Cissé a fondé le cabinet Cisco Consulting en 2009. © Vincent Fournier/J.A.

Abdou Cissé a fondé le cabinet Cisco Consulting en 2009. © Vincent Fournier/J.A.

Julien_Clemencot

Publié le 18 février 2015 Lecture : 3 minutes.

Le siège d’Allianz à Dakar. © Youri Lenquette/J.A.
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Assurances : inciter oui, imposer jamais ?

Alors que la généralisation des contrats obligatoires pourrait stimuler le développement du secteur, la plupart des États africains et les principaux assureurs restent frileux.

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Actuaire conseil d’assureurs comme Activa (Douala), d’institutions comme la Banque de développement des États de l’Afrique centrale (Brazzaville) et de groupes bancaires comme la Banque régionale des marchés (Dakar), Abdou Cissé accompagne aussi des entreprises dans la gestion de leurs engagements sociaux. À 53 ans, cet ex-prof de maths a travaillé dix ans au sein du groupe HSBC à Paris avant de rejoindre le cabinet Computer Sciences Corporation, puis de fonder, en 2009, Cisco Consulting. Pour Jeune Afrique, il porte un regard sans complaisance sur les évolutions du marché.

Propos recueillis par Julien Clémençot

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jeune afrique : Axa, Allianz… Comment expliquez-vous l’intérêt des assureurs occidentaux pour l’Afrique subsaharienne, où ce secteur est encore balbutiant ?

Abdou Cissé : Comme la croissance est aujourd’hui quasi absente en Occident, ces groupes européens qui ont toujours dégagé des profits en Afrique consolident leur position sur notre continent où le réservoir de croissance est immense.

>>>>> Axa fait son entrée sur le marché nigérian

En dépit de groupes panafricains comme Saham, Sunu ou NSIA, le paysage est morcelé. Doit-on pousser le marché à se structurer ?

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Pour mieux structurer le marché africain, la Conférence interafricaine des marchés d’assurances [Cima] doit faire évoluer le montant plancher des fonds propres des compagnies au-delà de 1 milliard de F CFA [1,5 million d’euros]. Une telle mesure, déjà envisagée, pousserait des acteurs du marché à fusionner. Réussir à passer à 2 milliards constituerait déjà une avancée.

La microfinance est-elle un bon moyen de faire progresser le nombre d’assurés en Afrique ?

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Elle peut y contribuer, car elle répond aux besoins du secteur informel. Ce modèle va se développer d’autant plus rapidement que les États vont imposer des obligations en matière d’assurance. Le jour où les petits commerçants de Dakar et d’ailleurs devront se couvrir contre les risques de type incendie, ils se tourneront forcément vers la microassurance.

Au-delà des assurances obligatoires, comme les contrats automobile, voit-on de nouveaux produits émerger ?

On retrouve des produits d’assurance vie de type « rente éducation » ou « panier de rentrée scolaire » adaptés aux réalités africaines. Au Cameroun, les assureurs constatent que les ménages sont de plus en plus réceptifs, y compris en milieu rural. Sur ce créneau, les chiffres d’affaires progressent entre 10 % et 20 % par an.

La Côte d’Ivoire est en train de mettre en place la couverture maladie universelle. Quel bilan faites-vous de l’expérience du Sénégal dans ce domaine ?

Lorsque j’ai demandé, il y a quelques mois, à des responsables du projet la préétude actuarielle faite avant son lancement, je n’ai pas obtenu de réponse. Cela veut dire que la dimension régime assurance du projet n’a pas été prise en compte. En tant qu’actuaire, je m’interroge donc sur la pérennité de cette couverture maladie.

>>>> Lire aussi : Timides débuts de la CMU en Côte d’Ivoire

Le privé a-t-il une carte à jouer dans le domaine de la santé ?

Oui, même si les compagnies affirment que l’assurance santé est un produit déficitaire. Je pense que la concurrence les pousse à une sous-tarification et qu’elles gèrent mal le tiers payant [avance des frais chez le médecin], ce qui favorise la fraude. Sans oublier qu’elles ne mutualisent pas toujours les contrats des entreprises entre elles. Résultat, si les salariés d’une société occasionnent plus de dépenses que le montant de leurs cotisations, l’assureur augmentera la prime l’année suivante. Difficile d’encourager les entreprises à souscrire dans ces conditions.

>>>> Les cliniques marocaines, un investissement comme un autre ?

Les assureurs africains sont-ils de mauvais payeurs ?

Dans le monde entier, les assurés affirment que les assureurs sont de mauvais payeurs. Le problème n’est pas typiquement africain. Ceci étant dit, la Cima ne cesse d’alerter les compagnies pour qu’elles accélèrent le paiement des sinistres. Dans ce domaine, la réglementation devrait être durcie.

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