Hommage : Éric Rouleau, témoin engagé
Décédé le 25 février, Éric Rouleau, journaliste spécialiste du Proche-Orient, collabora au « Monde » et à « Jeune Afrique ». Il fut aussi ambassadeur de France en Tunisie, puis en Turquie.
Éric Rouleau, le 12 juin 1985, à Paris. © Dominique Aubert/AFP
Publié le 3 mars 2015 Lecture : 2 minutes.
Carrure imposante, barbichette soigneusement taillée, sourire hollywoodien : Éric Rouleau avait un physique de comédien. Même s’il lui est arrivé de tourner dans des films de son ami Costa-Gavras, ce n’est pourtant pas dans le 7e art que s’est illustré Élie Raffoul – son vrai nom -, décédé le 25 février à l’âge de 88 ans dans le sud de la France, mais dans le journalisme. Et quel journalisme !
Des générations de lecteurs du Monde se sont délectées de ses articles sur le Proche-Orient et sur le conflit israélo-arabe, qu’il a suivi dès la proclamation de l’État hébreu, en 1948. Il avait une prédilection pour l’Égypte, pays qui l’avait vu naître en 1926, et d’où il avait ramené quelques-unes de ses pépites, comme une grande interview de Gamal Abdel Nasser en 1963.
Du journalisme, il avait une conception qui pouvait en dérouter certains. Loin de se contenter d’un rôle de témoin impartial, il laissait cours à sa subjectivité comme s’il entendait peser sur les événements qu’il était censé commenter.
Juif arabophone défenseur de la cause palestinienne
En juin 1985, il abandonne la presse pour quelques années. François Mitterrand a eu l’idée de nommer ambassadeur à Tunis, alors siège de la Ligue arabe mais aussi ville où a trouvé refuge la direction de l’OLP, ce juif arabophone défenseur de la cause palestinienne. Si cette nomination est restée dans les annales, c’est aussi parce qu’elle fut contestée par Jacques Chirac après son accession à la tête du gouvernement de cohabitation, en 1986. Éric Rouleau sera relevé de ses fonctions et nommé "ambassadeur itinérant", avant de poursuivre sa carrière diplomatique en Turquie, où il représentera la France de 1988 à 1991.
Longtemps l’une des plumes du Monde diplomatique, il fit aussi un passage à Jeune Afrique dans les années 1990. Il était revenu sous les feux de l’actualité en 2012 avec la sortie de ses Mémoires (Dans les coulisses du Proche-Orient, éditions Fayard).
Les lecteurs y ont retrouvé, à travers une série de portraits mordants des grands acteurs du drame proche-oriental – les Nasser, Sadate, Begin, Rabin, Sharon… -, tout ce qui faisait le sel de son écriture journalistique.
