Hong Kong : merci patron !
Trois cent mille employées de maison originaires d’Asie du Sud-Est travaillent dans l’ex-colonie britannique. Vingt pour cent d’entre elles sont victimes de mauvais traitements.
Erwiana Sulistyaningsih a encore le visage gonflé par les coups, le corps tuméfié et le bras en écharpe. Des mois durant, cette jeune Indonésienne (23 ans) a vécu un calvaire. Exclusivement nourrie de pain et de riz, elle mourait littéralement de faim. Lors de son audition par la justice hong-kongaise, elle a en outre révélé qu’elle n’était autorisée à dormir que quatre heures par jour. Et qu’elle était si violemment frappée qu’elle a perdu connaissance à plusieurs reprises.
Au terme d’un procès exceptionnel et très médiatisé qui a duré pas moins de six semaines, son employeur, une mère de famille hong-kongaise, a été reconnue coupable d’avoir battu, affamé et emprisonné sa jeune domestique.
"Aujourd’hui je connais bien le droit du travail"
"Je suis heureuse que justice soit faite, a commenté la jeune femme à la sortie du tribunal. Pour moi, bien sûr, mais aussi pour toutes les autres victimes. Les Indonésiens qui viennent travailler à Hong Kong comme domestiques le font uniquement pour aider leurs familles. Si j’ai choisi de parler, c’est pour que personne n’ait plus à subir de telles épreuves.
Amnesty International, qui dénonce des conditions "proches de l’esclavage".
Avant, j’étais naïve, j’avais peur de me défendre. Aujourd’hui, je connais bien le droit du travail et je sais que j’ai des droits. Tous les employés de maison devraient être bien mieux informés, en particulier ceux qui viennent d’arriver parce que ce sont les plus vulnérables : tout dépend de l’employeur sur lequel ils vont tomber. Ce que j’ai vécu démontre qu’ils sont insuffisamment protégés. J’espère que les autorités prêteront à l’avenir davantage attention au problème."
Il faut certes se garder de noircir à plaisir la situation : le sort des employées de maison étrangères est souvent plus enviable à Hong Kong que dans bien d’autres pays. Il n’empêche : en 2013, près de 20 % d’entre elles ont déclaré avoir subi des abus physiques, près de 60 % des abus verbaux et 6 % des abus sexuels. La plupart ont peur de parler ou ne savent pas vers qui se tourner. Selon Amnesty International, qui dénonce des conditions "proches de l’esclavage", elles sont environ 300 000 et sont majoritairement originaires des Philippines et d’Indonésie.
Elles peuvent être renvoyées du jour au lendemain
"Mes parents, mon petit frère et moi sommes une famille très unie, raconte Erwiana. Un ami m’avait parlé d’offres de travail à Hong Kong, et nous avions besoin d’argent. Tout le monde était ravi, la ville est réputée riche et sûre. Jamais je n’aurais pu imaginer que l’histoire finisse comme ça."
Si ces jeunes femmes bénéficient pour la plupart d’un salaire minimum garanti, de jours de congé et d’une assurance médicale, elles sont à la merci de leurs employeurs, qui peuvent les renvoyer du jour au lendemain. Ce qui provoque ipso facto l’annulation de leur permis de séjour. Son combat a valu à Erwiana Sulistyaningsih d’être désignée par le magazine américain Time parmi les cent personnalités les plus influentes de 2014.
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