Burundi : le pouvoir organise une contre-manifestation « pour la paix »
Une foule immense a participé samedi à Bujumbura à une manifestation « pour la paix » organisée par le pouvoir, qui en a profité pour accuser l’opposition, ainsi qu’une partie de la société civile et des médias, de ramener le pays sur le chemin de la guerre.
Des milliers de personnes ont défilé dans les rues de la capitale burundaise, a constaté l’AFP. Mais le pouvoir a aussi mobilisé dans d’autres communes du pays.
Ces rassemblements sont un nouveau témoignage des tensions grandissantes au Burundi à l’approche d’une présidentielle-clé prévue en juin.
Ils font écho à la manifestation monstre qui a accueilli mi-février la sortie de prison du directeur de la très populaire radio RPA, Bob Rugurika, réputée proche de l’opposition et qui était elle-même un message clair au président Pierre Nkurunziza pour qu’il ne se représente pas.
"Nous sommes ici pour dénoncer tous ceux qui veulent nous ramener dans la guerre, tous ceux qui veulent organiser des soulèvements populaires", a lancé le maire de Bujumbura, Saïdi Juma, à la foule, dénonçant "certaines radios qui ont appelé les Burundais au soulèvement".
Les tensions croissantes au Burundi, petit pays d’Afrique des Grands Lacs à l’histoire post-coloniale marquée par des massacres interethniques et une longue guerre civile, se cristallisent de plus en plus autour d’une éventuelle nouvelle candidature du président Pierre Nkurunziza, au pouvoir depuis 2005.
L’opposition et la société civile, pour qui la Constitution interdit au président de briguer un troisième mandat, sont décidées à lui faire barrage. Le camp du chef de l’Etat, qui réfute l’argument constitutionnel, semble vouloir tout mettre en oeuvre pour sa réélection.
Deux camps déterminés
Samedi, la déclaration du maire de Bujumbura – un texte préparé par le gouvernement et envoyé à toutes les communes mobilisées – faisait clairement allusion aux principales radios privées du pays, à l’opposition radicale et à la société civile indépendante, bêtes noires du pouvoir.
"Nous demandons désormais aux forces de l’ordre et à l’administration de faire respecter la loi en empêchant l’organisation de toute manifestation non autorisée par l’administration", a exhorté M. Juma.
Officiellement, la manifestation de samedi devait rallier dans un premier temps le rond-point des Nations Unies à la place de l’Indépendance, sur un parcours long de trois kilomètres, mais ce parcours a été modifié à la dernière minute pour faire passer les manifestants devant la RPA.
La police du Burundi n’a pas fait de décompte, mais les manifestants ont défilé pendant une vingtaine de minutes en rangs serrés à travers les rues de la capitale, a constaté un journaliste de l’AFP.
"Nous n’avons rien à envier à ceux qui se sont soulevés dernièrement pour déstabiliser la paix et la démocratie dans ce pays. Nous sommes plus nombreux qu’eux et (…) nous allons les chasser des rues s’ils y reviennent", a menacé Hamza Venant Burikukize, secrétaire général d’une plate-forme d’ONG proches du pouvoir.
Selon des sources à la mairie de Bujumbura, les autorités "ont mis tout le paquet pour mobiliser les habitants".
Des dizaines de bus en provenance de la périphérie de Bujumbura sont arrivés bondés samedi à l’aube. Les élèves de nombreuses écoles secondaires ont reçu l’ordre de participer à la manifestation et des taxis-motos et taxis-vélos disent avoir été payés pour y prendre part.
Le long du cortège, de nombreux militants du parti au pouvoir (Cndd-FDD) se sont dit prêts à en découdre si d’autres manifestations étaient organisées contre un troisième mandat du président.
"Nous sommes déterminés à défendre la démocratie, nous irons dans la rue pour en chasser tous ces gens qui refusent une compétition démocratique", assure Abraham, un jeune militant du parti. "Nous allons les combattre de toutes nos forces, et nous vaincrons".
La société civile et l’opposition burundaise ont dénoncé, dans les manifestations de samedi, "une manipulation orchestrée par le parti au pouvoir". Mais "ces gens ne nous font pas peur, cette tentative de démonstration de force ne va pas nous empêcher de descendre dans la rue pour contraindre Nkurunziza à renoncer à son projet s’il essaie de briguer un nouveau mandat", a déclaré à l’AFP Léonce Ngendakumana, président de l’ADC-Ikibiri, l’une des deux principales coalitions d’opposition.
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