Législatives aux Comores : face-à-face tendu entre pro et anti-Sambi
Les Comores votent dimanche pour le deuxième tour des législatives dans un face-à-face tendu entre le camp de l’ex-président Ahmed Abdallah Sambi, partisan d’un rapprochement avec le monde musulman, et la majorité présidentielle actuelle réputée plus francophile.
M. Sambi, dont les liens avec l’Iran chiite inquiètent une partie de l’électorat, dans ce pays de tradition sunnite où les fondamentalistes sont une minorité, vise un retour à la présidence en 2016, après avoir déjà dirigé les Comores de 2006 à 2011.
L’homme au turban vert et son parti Juwa (Le Soleil) pourraient devenir la première force à l’Assemblée nationale, ouvrant un scénario inédit de cohabitation à risque pour la jeune démocratie comorienne, qui s’est stabilisée depuis seulement 2009.
Signe d’une crispation croissante, des incidents isolés se sont produits dans plusieurs bureaux de vote de Moroni, la capitale, alors que le premier tour le 25 janvier s’était déroulé dans le calme.
Des militants du parti Orange, éliminé au premier tour, se sont battus à coups de poings avec des sympathisants de Juwa dans des bureaux des quartiers de Bacha et de Djomani, a constaté un journaliste de l’AFP.
Dans le quartier de Magoudjou, des inconnus ont également couvert de graffitis des magasins tenus par des natifs d’Anjouan, l’île de M. Sambi.
L’issue du scrutin est incertaine du fait du jeu des alliances de dernière minute et d’une campagne qui a peu mobilisé un électorat en partie tenté par l’abstention.
A la mi-journée, aucun chiffre officiel de participation n’était disponible.
Les résultats officiels provisoires ne seront connus que dans la semaine.
Sambi fait peur
33 sièges sont à pourvoir dans la nouvelle assemblée nationale comorienne: 24 élus au suffrage universel direct, et neuf désignés par leurs pairs des trois assemblées insulaires.
Le scrutin, qui se déroule sous une forte pluie tropicale, est couplé avec des élections municipales.
Micro-Etat très pauvre de l’océan Indien abritant moins d’un million d’habitants, les Comores ont connu 20 coups d’Etat ou tentatives depuis l’indépendance en 1975. Ces crises se sont nourries des rivalités entre les trois îles, Grande Comore, Anjouan et Mohéli, qui minent l’unité nationale de l’archipel dont la France a conservé la quatrième île, le département de Mayotte.
L’instauration d’une présidence tournante en 2001, permettant à chaque île de désigner à tour de rôle les candidats à l’élection présidentielle, avait permis un apaisement.
M. Sambi est accusé par ses adversaires de vouloir détraquer ce système en se représentant aux suffrages pour la présidentielle.
"J’ai soutenu Sambi en 2006, maintenant il me fait peur", commente un enseignant d’histoire franco-comorien, Mahamoud Ibrahim. "Je me fiche de sa croyance religieuse mais il représente un danger, car son ambition est démesurée et il est prêt à marcher sur la Constitution".
"Il y a un risque certain d’un retour de M. Sambi. C’est la pire chose qui peut nous arriver, le pays va s’ancrer dans la médiocrité", estime pour sa part Djamaly Eddine Mohamed, professeur d’économie de l’université de Moroni.
Ces tensions tombent pile au moment où l’étranger se soucie de voir les Comores s’impliquer davantage dans la lutte contre le terrorisme islamiste.
Les pays voisins craignent que les Comores, minées par la pression démographique, la pauvreté, les pénuries et un appareil d’Etat fragilisé par la corruption, puissent servir de base arrière.
"Nos frontières sont des passoires", reconnaissait récemment le patron de la nouvelle cellule antiterroriste, Fakridine Mradabi. "En France, on a beaucoup de Comoriens qui évoluent dans les milieux de l’islamisme radical (…) Et surtout, on a des Comoriens qui sont revenus de pays à forts risques, Yémen, Syrie, Pakistan aussi, Soudan".
Premier producteur mondial d’ylang ylang, utilisé en parfumerie, les Comores dépendent économiquement de l’envoi de fonds de la diaspora de France (200.000 à 300.000 personnes) et de Madagascar.
(AFP)
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