Libye : un nouveau foyer jihadiste qui inquiète l’Europe et les pays voisins
Aux portes de l’Europe, le nouveau foyer jihadiste qui se développe en Libye alimente les pires craintes du Vieux continent mais inquiète aussi les voisins immédiats du pays, qui craignent un renforcement de leurs propres groupes radicaux, soulignent les experts.
"La Libye est aujourd’hui le plus grand foyer terroriste au monde", affirme Mazen Chérif, expert tunisien en questions militaires et stratégiques.
Contrairement à l’Irak ou la Syrie où une coalition internationale mène des raids aériens contre le groupe de l’Etat islamique (EI), sa branche en Libye a le champ libre, profitant du chaos généralisé, note-t-il.
Quatre ans après le début du soulèvement contre le pouvoir du colonel Mouammar Kadhafi, qui tenait le pays d’une main de fer, le riche pays pétrolier est livré aux milices rivales.
La filiale libyenne du groupe de l’EI est déjà bien implantée dans plusieurs villes, de Derna à l’est à Sabratha à l’ouest, en passant par Syrte dans le centre.
Un autre groupe jihadiste, Ansar Sharia, est implanté à Benghazi, deuxième ville du pays.
L’EI dispose en outre en Libye d’un accès à la mer, dans un pays qui constitue la source principale de l’immigration clandestine vers les côtes européennes, et notamment l’Italie.
"La Libye constitue le point géographique le plus proche de l’Europe où sont apparus des mouvements jihadistes, et le principal point de passage de l’immigration clandestine", explique un diplomate libyen en Europe.
"Il faudrait imaginer ce qui se produirait si, dans chaque bateau de migrants, un ou deux jihadistes se glissaient…", ajoute-t-il.
Chaos en Méditerranée ?
"Si ces mouvements parviennent à contrôler la côte libyenne –la plus longue d’un pays d’Afrique du nord sur la Méditerranée avec 1.955 km– ce sera le chaos en Méditerranée", avertit le diplomate qui a requis l’anonymat.
"Les gouvernements occidentaux sont effrayés par des foyers, des sanctuaires qui sont en train de se créer sur le même modèle à chaque fois lorsque l’État s’effondre" et qui peuvent devenir une menace pour la région et servir de base pour "préparer des attentats contre l’Europe", explique Arthur Quesnay, expert en sciences politiques à l’Université parisienne de la Sorbonne.
Les pays voisins craignent aussi de faire les frais de la montée en puissance des jihadistes. L’Egypte, déjà aux prises avec ses propres extrémistes dans la péninsule du Sinaï, est déjà montrée au créneau en bombardant des positions de l’EI après l’exécution de ses citoyens.
Le groupe avait diffusé le 15 février une vidéo montrant la décapitation de 21 chrétiens coptes, majoritairement égyptiens, qu’il avait enlevés.
"L’Égypte ne peut connaître la stabilité si le chaos règne en Libye", souligne un responsable arabe qui a requis l’anonymat.
L’Algérie voisine est aussi sur les dents, car "ces groupes visent en premier lieu l’Algérie, ainsi que la Tunisie", affirme Mazen Chérif. D’autant qu’un grand nombre des membres du groupe extrémiste Ansar Chariaa en Tunisie, pourchassé par les autorités, est venu grossir les rangs des groupes radicaux en Libye.
Plus au sud, les jihadistes libyens ont développé des liens avec les groupes radicaux du nord du Mali et avec Boko Haram au Nigeria, selon les experts.
"C’est une nébuleuse qui est en train de se construire", explique Arthur Quesnay, selon lequel "pour l’instant, il ne semblerait pas qu’il y ait un commandement unifié".
Les Occidentaux ont écarté l’option militaire contre l’EI en Libye, du moins dans l’immédiat, prônant au préalable une solution politique sous l’égide de l’ONU.
Mais le temps joue en faveur des jihadistes.
"Il y a deux ans, Daech (acronyme de l’EI, ndlr) n’était qu’un petit groupe en Irak, aujourd’hui il contrôle un territoire plus grand que des pays d’Europe entre l’Irak et la Syrie", souligne le diplomate libyen.
Pour lui, il est nécessaire que la communauté internationale, qui parraine des négociations entre les deux pouvoirs rivaux en Libye, exerce "une pression sérieuse" sur les parties en conflit pour aboutir à une solution politique excluant les groupes radicaux.
(AFP)
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