Halte à la spoliation en RD Congo
Daniel Balint-Kurti, chef de campagne de Global Witness en RD Congo
En République démocratique du Congo, les statistiques donnent des impressions contradictoires. L’an dernier, le PIB du pays a fait un bond impressionnant de 7 %, et la production de cuivre a dépassé les 600 000 tonnes – une hausse vertigineuse comparée aux 16 000 tonnes produites en 2003. Mais d’autres éléments assombrissent nettement le tableau. En 2011, le pays arrivait en dernière position de l’indice de la faim dans le monde et dégringolait en dernière place de l’indice onusien de développement humain.
À Kinshasa, les enfants doivent régulièrement passer une journée ou plus sans manger, et des diplômés en droit se trouvent contraints de voler. Comme si une telle misère ne suffisait pas, le pays doit composer avec une multitude de rébellions. L’année 2012 a été marquée par l’émergence dans l’est du pays du M23, qui, avec le soutien supposé du Rwanda voisin, a brièvement pris Goma en novembre.
Pourquoi, malgré l’amélioration des statistiques macroéconomiques, la vie est-elle devenue plus difficile pour les Congolais ? La réponse réside en partie dans la mauvaise gouvernance du secteur minier et son pillage par les groupes armés. S’attaquer à ces problèmes ne suppose pas simplement une action gouvernementale, mais également un changement dans l’attitude des bailleurs de fonds et des compagnies.
Le scandale des « ventes secrètes » illustre à merveille cette mauvaise gouvernance. Des compagnies offshore (enregistrées dans des paradis fiscaux) contrôlées par un proche du président Kabila se sont vu octroyer les blocs miniers et pétroliers des entreprises publiques, parfois pour à peine 5 % de leur valeur. Ces sociétés réalisent de beaux bénéfices en signant des partenariats avec des opérateurs internationaux.
Il est plus que probable que les rebelles du M23 ont été financés par le commerce des « minerais de la guerre »
En conséquence, le gros des bénéfices des ventes de blocs miniers et pétroliers revient à ces entités offshore très discrètes plutôt qu’à l’État. Cela constitue un pied de nez aux serments anticorruption et de transparence du gouvernement et remet en question son engagement dans les diverses initiatives pour une meilleure gouvernance minière, à l’image de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE).
La révision des codes minier et pétrolier pourrait contribuer à rectifier les choses, notamment s’ils stipulent que les blocs miniers et pétroliers des sociétés publiques doivent être vendus via des appels d’offres publics. Cela assurerait au pays des revenus correspondant à ses ressources, en plus de servir de garde-fou contre la corruption.
Davantage d’efforts sont également nécessaires pour s’attaquer au problème majeur des « minerais de la guerre » dans l’est du pays. Il est plus que probable que les rebelles du M23 ont été financés par le commerce de ces minerais, qui a aussi été une source de profit personnel pour les officiers congolais.
En août 2012, la Securities and Exchange Commission (SEC, le gendarme de la Bourse aux États-Unis) a publié des règles édictant comment les entreprises américaines doivent s’assurer qu’elles n’achètent pas des minerais de la guerre. Ces règles constituent des dispositions similaires à celles de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ainsi qu’à un arrêté congolais. Certaines sociétés se sont défendues en poursuivant la SEC en justice, sous prétexte que cette règle est coûteuse. Une réaction qui ne peut qu’être préjudiciable au pays. S’attaquer au problème des minerais de la guerre est essentiel pour mettre fin au cycle de la violence dans l’est du pays.
Les compagnies doivent réaliser qu’elles amélioreront leur image de marque si elles se montrent plus concernées par cette cause. Prenant conscience de cela, certaines sociétés qui utilisent de l’étain, du tantale, du tungstène et de l’or en provenance de RD Congo ont mis en place des chaînes d’approvisionnement en circuit fermé, leur permettant d’être impliquées depuis la mine jusqu’à l’usine de production. Voici le genre d’innovations dont le pays a besoin, plutôt que d’atermoiements et de blocages.
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