Private equity africain : mais qu’attendent les Français ?

Malgré des rentabilités parmi les plus élevées au monde, l’Afrique n’attire que peu de capital-investisseurs hexagonaux. Une réalité qui pourrait peu à peu changer.

En octobre 2012, la maison Wendel a investi 97 millions d’euros dans l’opérateur d’antennes relais IHS. DR

En octobre 2012, la maison Wendel a investi 97 millions d’euros dans l’opérateur d’antennes relais IHS. DR

Publié le 30 janvier 2013 Lecture : 4 minutes.

Comparée à 2011, l’année 2012 aura été plutôt riche en actualités pour le capital-investissement franco-africain. En octobre, la maison Wendel a créé la surprise en annonçant un investissement de 97 millions d’euros dans IHS, un opérateur d’antennes relais panafricain. En décembre, Investisseurs & Partenaires (I&P), la plus ancienne société de gestion française active en Afrique – elle a été créée en 2002 -, a bouclé une levée de fonds de 51,5 millions d’euros. Enfin, le même mois, Amethis Finance, une société portée par la Compagnie Benjamin de Rothschild et par Luc Rigouzzo, un ancien de l’Agence française de développement (AFD), a annoncé avoir réuni 300 millions d’euros à investir sur le continent.

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Mais la liste s’arrête là. Alors qu’à Londres on répertorie une quinzaine de sociétés de gestion directement actives en Afrique, les françaises se comptent sur les doigts d’une main et le premier investisseur en capital de l’Hexagone sur le continent reste Proparco, filiale de l’AFD dévolue au secteur privé. Aucun des grands noms du capital-investissement français (AXA Private Equity, Eurazeo, Butler Capital Partners, LBO France) n’a mis sur pied de véhicule destiné à l’Afrique. L’un des rares à avoir tenté l’aventure, Société générale, a depuis cédé son fonds consacré aux entreprises d’Afrique du Nord, Al Kantara Fund, à l’émirati Abraaj Capital… « Les milieux économiques français se sont montrés beaucoup plus réticents par rapport aux marchés émergents et à l’Afrique en particulier », résume Jean-Michel Severino, gérant de I&P.

Écosystème

De fait, c’est tout un écosystème qui reste à construire pour permettre aux flux financiers de se développer entre la France et les entreprises africaines. Comme l’explique Lionel Zinsou, président de PAI Partners, « les marchés anglophones en Afrique sont mieux équipés pour accueillir des fonds : leur base naturelle est à Londres, ils parlent le même langage juridique et partagent les mêmes moeurs d’affaires, ils offrent une porte de sortie pour les fonds, et leurs banques, plus développées, sont prêtes à soutenir ceux-ci dans leurs investissements ». « Les sociétés de gestion sont aussi localisées à Londres parce que la City demeure la première place financière d’Europe et que la notion de risque y est mieux appréhendée », souligne Boris Martor, avocat associé au cabinet Eversheds. Pour Christophe Eck, associé du cabinet Gide Loyrette Nouel, la fiscalité française, comparée à celle d’autres pays européens, n’est pas favorable à l’industrie des fonds et freine leur développement.

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Les entreprises montrent l’exemple

Si les pros du capital-investissement français restent timides en Afrique, plusieurs entreprises de l’Hexagone les ont devancés. En 2008, le fonds Danone Communities, fruit d’une coentreprise entre Danone, le géant du lait, et Grameen Bank, la célèbre banque de microcrédit fondée par Muhammad Yunus, a ainsi concrétisé son premier investissement en Afrique en prenant 25 % du capital de la Laiterie du Berger, au Sénégal. Un autre acteur financier de ce type, Grameen Crédit agricole, a également investi dans cette entreprise. Le géant énergétique Schneider Electric a lui aussi mis sur pied son propre fonds. Doté de 10 millions d’euros, ce véhicule solidaire, baptisé Schneider Electric Energy Access, a investi en Afrique subsaharienne dans des entreprises de microréseaux électriques, dont le sénégalais Kayer. Enfin, GDF Suez a tout récemment mis en place GDF Suez Rassembleurs d’énergies, un fonds qui vient de réaliser un investissement de 250 000 euros en Tanzanie. N.T.

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Un autre problème refroidirait l’ardeur africaine des grandes maisons françaises. Selon Hakim El Karoui, ancien banquier d’affaires chez Rothschild devenu associé de Roland Berger, ces dernières sont limitées par des « thèses d’investissement » (les règles négociées avec ceux qui ont alimenté les fonds qu’elles gèrent) très strictes, notamment sur le plan géographique. La plupart des fonds existants ont été levés en 2006-2007, une époque à laquelle rares étaient ceux qui avaient compris le potentiel de l’Afrique. En tant que holding investissant ses propres fonds, Wendel n’est par exemple pas soumis à cet impératif, et c’est l’une des raisons qui expliquent ses premiers pas en Afrique.

Hors radar

Malgré tout, le renouveau de l’investissement financier français en Afrique ne serait pas si loin. « Nous constatons, parmi nos clients, un regain d’intérêt pour l’Afrique, explique Rémy Fekete, associé de Gide, chargé de l’Afrique. C’est le cas des grands groupes industriels, mais aussi de nombreux investisseurs de taille moyenne. Il est vrai que, du fait de leurs montants, leurs investissements sont souvent hors radar. Un certain nombre de family offices [des sociétés qui gèrent le patrimoine de familles (très) fortunées, NDLR] nous sollicitent pour des opérations de quelques dizaines de millions d’euros et ne recherchent pas la publicité. » Selon plusieurs professionnels du secteur, Tiaré Groupe, qui rassemble certaines grandes fortunes hexagonales, et Groupe Arnault, du nom de son principal actionnaire Bernard Arnault (première fortune de France), auraient ainsi développé une stratégie africaine. Contactés à ce propos, ils n’ont pas souhaité faire de commentaire.

Du côté des gestionnaires professionnels, les choses pourraient également commencer à bouger. Lionel Zinsou, le Franco-Béninois à la tête de PAI Partners, la plus importante société de capital-investissement en Europe continentale, nous a ainsi confirmé la levée d’un fonds destiné au continent en 2014 ou 2015. Et la proximité culturelle et géographique de la France avec l’Afrique pourrait finir par prendre le dessus. « La pente naturelle des gros fonds français sera d’investir en Afrique », prédit Yannick Itoua, de la banque d’affaires Bryan, Garnier & Co.

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