Défenseurs des LGBTI en Afrique : les couleurs ternies de l’Arc-en-ciel
Depuis un demi-siècle, sur tous les continents, les organisations de défense des droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées (LGBTI), ont conquis des droits mais de nombreuses résistances subsistent.
En Afrique, l’instrumentalisation politique de la religion ou de la tradition fait que dans de nombreux pays, la tolérance voire la reconnaissance de cette identité restent encore bloquées, comme au Soudan et au Nord du Nigeria où l’homosexualité est encore passible de la peine de mort. Si le mouvement LGBTI est de plus en plus visible et entendu sur le continent africain, leurs droits sont encore trop souvent inexistants. Et la tendance est même à l’adoption de lois toujours plus liberticides, décidées le plus souvent dans une perspective populiste et électoraliste. Dernièrement, plusieurs Etats africains se sont engagés dans ce mouvement répressif, qui entraine et parfois incite à la violence contre les personnes LGBTI et leurs défenseurs.
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Dans un rapport que nous publions ces jours-ci, nous sommes ainsi particulièrement préoccupés par le climat d’insécurité dans lequel vivent ces défenseurs des droits humains au Cameroun. Interdiction d’enregistrement pour les associations, incendies, saccages et cambriolages de bureaux : il leur est extrêmement difficile d’exercer leurs activités. Quotidiennement, ils reçoivent des messages de haine et d’insultes, de menaces, aussi. Cette haine a mené à l’assassinat du journaliste et ancien directeur exécutif de la Cameroonian Foundation for AIDS (CAMFAIDS) Éric Ohena Lembembe en juillet 2013. Le manque de volonté de la justice à poursuivre ses assassins démontre la bienveillance des autorités camerounaises à l’égard de ceux qui harcèlent et tuent les personnes LGBTI. Le Cameroun se distingue d’ailleurs comme comptant un nombre très élevé de personnes poursuivies, condamnées et emprisonnées pour "relations sexuelles consenties entre personnes du même sexe". Depuis 2011, les juges camerounais ont condamné au moins 28 personnes au motif de leur orientation sexuelle, réelle ou imputée, alors même que les auteurs de l’assassinat d’Eric Ohena courent toujours.
En Ouganda, une loi particulièrement liberticide, et extrêmement controversée a été adoptée par l’Assemblée nationale, puis annulée par la Cour constitutionnelle en août 2014. Mais les relations sexuelles entre personnes consentantes du même sexe demeurent criminalisées et punissables d’emprisonnement par la législation en vigueur. Et les activistes LGBTI sont particulièrement visés et menacés. En outre, la loi anti-homosexualité a eu des conséquences catastrophiques avant son annulation. En huit mois, le nombre d’arrestations, de menaces, d’actes de harcèlement et d’agressions sur des personnes LGBTI (ou soupçonnées de l’être) a considérablement augmenté. En outre, la Cour constitutionnelle n’a argué que d’une erreur de procédure pour annuler la loi, et les organisations de défense des droits humains craignent que les parlementaires n’adoptent de nouvelles mesures contre les personnes LGBTI dans les prochains mois à l’approche de l’élection présidentielle de 2016.
L’Afrique de l’ouest n’est pas épargnée par cette discrimination radicale vis-à-vis des homosexuels, notamment en Gambie, dirigée de main de fer depuis 1994 par Yayah Jammeh. Connu pour la haine viscérale qu’il voue à ces "êtres sataniques et profanes" que sont les homosexuels, il a déjà déclaré vouloir les "tuer comme on tue un chien". Plusieurs chasses aux homosexuels ont ainsi été menées par l’Agence nationale du renseignement (NIA) et la garde présidentielle, conduisant par exemple fin 2014 à l’arrestation de dizaines de personnes. Nombre d’entre elles auraient depuis été torturées notamment afin de dénoncer d’autres personnes partageant leur orientation sexuelle. Inutile de préciser, dans un tel contexte de peur et de violences, que la défense des droits des personnes LGBTI, en Gambie, est un combat de tous les jours.
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Et pourtant, ces sinistres exemples, qui viennent ternir les couleurs de l’Arc-en-ciel, emblème des LGBTI à travers le monde, ne doivent pas nous faire oublier que les mentalités ont fortement et positivement évolué. Petit à petit le courage et le travail de pédagogie des défenseurs des droits des LGBTI et des défenseurs des droits humains en général porte ses fruits, et les institutions du continent se dotent désormais d’outils juridiques qui permettent à ces défenseurs de mieux travailler encore.
Ainsi en mai 2014, la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples (CADHP) a adopté une résolution historique qui "condamne la violence croissante et les autres violations des droits humains, notamment l’assassinat, le viol, l’agression, la détention arbitraire et d’autres formes de persécution de personnes sur la base de leur identité ou orientation sexuelle réelle ou supposée". En outre, elle "invite les États parties à s’assurer que les défenseurs des droits de l’Homme exercent leurs activités dans un environnement propice exempt de stigmatisation, de représailles ou de poursuites pénales en raison de leurs activités de défense des droits humains y compris les droits des minorités sexuelles". Cette résolution, adoptée en mai 2014, demande en outre aux Etats de tout mettre en œuvre pour que l’impunité dont bénéficient les auteurs de ces agressions cesse au plus vite.
Cette résolution de l’institution africaine chargée de veiller au respect des droits humains sur le continent ne doit pas rester seulement une déclaration d’intention aussi importante soit-elle. Il faut maintenant rendre opérationnelle la protection des personnes LGBTI et leurs défenseurs par exemple en créant au sein de la CADHP un organe chargé de veiller au respect de ces droits.
Diviser les sociétés et discriminer des individus au nom de leur orientation sexuelle, est un contre-sens historique loin du rêve panafricain de société démocratique apaisée. L’enjeu est important pour l’Afrique. Il l’est aussi pour le monde au nom de notre commune humanité.
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>> Pour aller plus loin, consulter le rapport de l’OMCT et de la FIDH : Cameroun, les défenseurs des droits des personnes LGBTI confrontés à l’homophobie et à la violence
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