Mali : l’avenir de l’Afrique au coeur du Forum de Bamako
Le 15e Forum de Bamako s’est déroulé du 19 au 21 février avec comme questionnement central l’avenir du continent à moyen terme.
Où en sera le continent africain dans vingt ans ? Les participants au 15e Forum de Bamako, qui s’est déroulé dans la capitale malienne du 19 au 21 février et qui avait pour thème, cette année, "l’émergence de l’Afrique à l’horizon 2035", n’étaient pas des devins. Ils n’ont donc pu émettre que des hypothèses et, surtout, proposer des pistes pour que l’émergence – "ce mot employé à toutes les sauces et qui ne veut plus dire grand-chose", selon un des participants – devienne une réalité.
Rien de bien original dans le lot des innombrables propositions formulées par les participants – intellectuels, diplomates, chercheurs ou entrepreneurs venus des quatre coins du continent et même d’ailleurs, puisque l’assemblée comptait également des Antillais et un Indien. Les pistes évoquées sont connues et ont une couleur, pour la plupart, sociale-libérale : une croissance toujours plus forte, une meilleure redistribution des richesses, des infrastructures transnationales, la lutte contre la corruption, de nouvelles sources de financement (notamment par le biais du partenariat public-privé, et en se tournant vers les vrais émergents : Brésil, Inde, Chine, Corée)… Il s’agit, aussi – surtout même, ont ajouté nombre de participants – de ne pas négliger la jeunesse, et donc d’accorder la priorité à l’éducation, la formation professionnelle et la recherche.
Ressusciter Nkrumah et Nyerere
Le tout dans un contexte morose : montée des inégalités, jihadisme conquérant, menaces sécessionnistes. Sans sécurité, il n’y a pas de développement possible, avait martelé, lors de l’ouverture des débats, le président malien Ibrahim Boubacar Keïta. Sans oublier le défi majeur que représente la bombe à retardement démographique. L’ambassadeur de l’Union européenne au Mali, Richard Zink, a rappelé à ce sujet que le Mali compterait, en 2035, 32 millions d’habitants, soit deux fois plus qu’aujourd’hui, et quatre fois plus qu’il y a vingt ans.
Pour ce faire, tout le monde ou presque s’accorde à dire qu’il faut ressusciter le vieux projet panafricaniste de Kwame Nkrumah, ou, à défaut, le "sous-régionalisme", moins ambitieux mais peut-être plus réaliste, de Julius Nyerere. Cheikh Tidiane Gadio, l’ancien ministre des Affaires étrangères d’Abdoulaye Wade, s’en est fait l’ambassadeur. Face à la menace de "l’hyper-balkanisation" qui guette le continent, il faut, dit-il, favoriser l’intégration régionale, gommer des frontières qui n’ont aucune raison d’être (il a cité le cas du Sénégal, son pays, de la Gambie et de la Guinée-Bissau) et relancer le projet de Fédérations, régionales dans un premier temps, continentale par la suite. "C’est ainsi que nous développerons le continent", pense-t-il.
Le rêve et l’impossible
C’est un rêve, il l’admet, qui peut sembler irréaliste à certains, au moment même où une fédération du continent – et pas des moindres : celle du Nigeria – est en proie à un hypothétique éclatement. Mais le Sénégalais, comme d’autres, a revendiqué le droit de viser l’impossible.
Les intervenants n’ont pas vraiment répondu au vœu du maître de cérémonie, Abdoullah Coulibaly : lors de l’ouverture des débats, l’organisateur du Forum avait espéré, en présence d’Ibrahim Boubacar Keïta, de quelques-uns de ses ministres et d’une partie du corps diplomatique étranger, que "des propositions d’actions concrètes" voient le jour. Mais l’essentiel, disait un des participants, "est de nous retrouver" et "de continuer à rêver pour notre continent".
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Rémi Carayol, envoyé spécial à Bamako
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