Mohamed El Kettani : « Les scandales financiers concernent les banques internationales, pas les banques africaines »
Aux antipodes des affaires d’évasion fiscale, Mohamed El Kettani, PDG d’Attijariwafa Bank, première banque du Maroc et leader en Afrique subsaharienne francophone, défend la finance comme outil au service du développement. Et décrypte pour RFI et Jeune Afrique l’avenir du secteur et l’état de l’économie marocaine.
Depuis neuf ans, Mohamed El Kettani dirige la première banque du Maroc, Attijariwafa Bank, et son expansion dans le reste de l’Afrique. Devenu banquier « par hasard », cet ingénieur de formation qui a débuté à l’Office chérifien des phosphates (devenu groupe OCP) travaille dans le secteur financier depuis plus de trente ans. Il a été aux premières loges pour observer la transformation économique du royaume, mais aussi les scandales qui rythment la vie de la planète finance.
Spéculation contre financement de l’économie réelle
« Attention aux amalgames : aucune institution africaine n’a contribué à déclencher la crise internationale de 2008. Attijariwafa est une banque commerciale orthodoxe : nous finançons l’économie réelle, nous ne développons pas de produits spéculatifs. Nous nous adressons à tout le monde, depuis les clients à faibles revenus jusqu’aux grandes fortunes, la très petite entreprise comme la multinationale. »
Première partie de l’émission
Mohamed El Kettani : « Ces vingt dernières… par Jeuneafriquetv
Le (trop) long chemin du développement
« Ces vingt dernières années, le Maroc s’est radicalement transformé. Lors de l’indépendance, le pays était peuplé de paysans, de propriétaires fonciers et de commerçants. Il a fallu développer l’activité industrielle. L’amélioration du climat des affaires et le développement des infrastructures ont permis l’éclosion de très petites entreprises qui sont devenues des PME, puis se sont structurées en groupes industriels et ont progressivement acquis une dimension régionale. La classe moyenne s’est étoffée. Nous avons réduit le chômage de 14 % à 9 %. Un taux qui reste certes élevé, mais nous continuerons sur cette voie. »
Quels moyens contre les fraudeurs ?
« À chaque fois qu’il y a un scandale touchant des personnalités sensibles, ce n’est jamais une banque africaine qui est pointée du doigt, mais toujours un établissement international. En ce qui nous concerne, nous respectons un code éthique. La réglementation internationale évolue d’ailleurs vers le renforcement de la lutte contre l’évasion fiscale. Le Maroc a ainsi rejoint le Forum mondial de la transparence, une plateforme d’échange d’informations fiscales entre pays. Le royaume a aussi engagé une politique d’amnistie permettant à tous les Marocains qui disposant d’argent à l’étranger de le rapatrier en payant une taxe allant de 2,5 % à 10 % des avoirs. La mesure a concerné 19000 déclarants, pour 2,8 milliards d’euros. Cela pourrait inspirer d’autres pays… Il faut maintenant renforcer les dispositifs de contrôle des transferts de fonds illicites. »
Seconde partie de l’émission
Mohamed El Kettani : « Dans les scandales… par Jeuneafriquetv
La concurrence des télécoms
« En matière de mobile banking, seule l’expérience M-Pesa [du kényan Safaricom] a été couronnée de succès. D’autres opérateurs télécoms ont été tentés de suivre cet exemple, mais on voit que sans réseau bancaire partenaire, cela ne fonctionne pas. Le développement des services financiers via les mobiles apporte des solutions aux particuliers en facilitant les échanges de liquidités. Mais pas aux entreprises ou aux personnes qui ont besoin d’un crédit pour financer leurs investissements. Là, rien ne remplacera le rendez-vous avec un banquier. »
Propos recueillis par Frédéric Maury (J.A.) et Jean-Pierre Boris (RFI)
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