Areva au Niger : plan social d’envergure sur le site d’Imouraren
La grande majorité des salariés de la filiale nigérienne d’Areva ont pris connaissance de la situation délicate de l’entreprise, marquée par d’importantes pertes en 2014. Dans une lettre, signée du directeur général, ils ont également appris leur licenciement.
« On l’a tous reçue, ou presque », se désole un salarié. Le plan social, qui a longtemps été tenue au secret au Niger comme en France, ne fait pas dans le détail. Sur les 225 salariés d’Imouraren SA, seuls une quarantaine gardent leur poste : des hommes affectés au gardiennage et à la maintenance du site, qui n’est pour l’heure qu’un vaste chantier. Certains, rares, ont été transférés dans l’une des trois autres filiales d’Areva au Niger, ou dans une société française de BTP qui œuvre dans ce pays. Les autres se retrouvent sans emploi.
Cliquez sur les images ci-dessous pour lire la lettre envoyée aux employés :
Contexte mondial
Selon la lettre envoyée aux salariés, la décision de suspendre la totalité des travaux du site a été prise lors du conseil d’administration du 29 août dernier. Au siège d’Areva, à Paris, on l’explique par le contexte mondial. Le cours de l’uranium est au plus bas (autour de 40 dollars la livre, contre 135 il y a quelques années) : ouvrir le gisement d’Imouraren, l’un des plus importants du monde, qu’Areva avait arraché aux Chinois en 2009 (une grande victoire pour les Français à l’époque), ne ferait que le plomber encore un peu plus. À Niamey, dans l’entourage du président Mahamadou Issoufou, on admet, la mort dans l’âme, n’y pas pouvoir grand-chose. « Ces licenciements sont logiques, au vu de la situation », indique un de ses conseillers. Issoufou avait pourtant fait de l’ouverture de cette immense mine à ciel ouvert située au nord d’Agadez un des enjeux de son mandat…
Les principaux intéressés ont été informés du plan social fin 2014. Les tractations entre la direction et les syndicats ont démarré le 9 janvier. Aujourd’hui, elles sont au point mort. Les syndicats ont quitté la table des négociations le 21 janvier. Depuis, le ministère des Mines et l’Inspection du travail tentent difficilement de recoller les morceaux.
Indemnité « dérisoire » et « désastre social »
Imouraren SA propose, en plus des mesures imposées par la loi, une indemnité spéciale équivalant à cinq mois de salaire brut, un appui à la création d’entreprise, une contribution aux frais de formation et le maintien d’une prise en charge santé et assurance vie pendant cinq mois. « Dérisoire », peste Omar Djidji, un des représentants syndicaux. « On ne demande pas grand-chose, poursuit le syndicaliste. On réclame juste que l’indemnité soit plus importante. On demande, grosso modo, l’équivalent de 10 mois de salaire. Selon nos calculs, cela ne coûterait qu’un million d’euros de plus à la société ». Une paille, pour un groupe dont le chiffre d’affaires s’établit, en 2014, à 8,3 milliards d’euros.
Les syndicalistes sont en colère. Non pas en raison de la fermeture du site – « on a compris que le contexte est difficile et que l’entreprise va mal », admet l’un d’eux -, mais parce qu’ils ont l’impression d’être considérés comme de simples objets. Omar Djidji tient à rappeler le contexte dans lequel lui et ses collègues ont été recrutés il y a six ans : « Areva a sillonné tout le pays, le nord notamment. Ils sont venus nous chercher dans nos villages. Ils ont pris des jeunes de 18-20 ans, à qui ils ont promis un emploi pour 30, 40 ans. À l’époque, c’étaient des célibataires. Aujourd’hui, ils ont une famille. La plupart ont contracté des crédits à la banque pour se construire une maison près de la mine. Comment vont-ils rembourser ? L’entreprise a une responsabilité sociale ». Le syndicaliste n’hésite pas à parler de « désastre social », un terme qui renvoie aux déclarations du ministre français de l’Économie, Emmanuel Macron, qui, lors de l’annonce des résultats catastrophiques d’Areva, avait assuré qu’il n’y aurait pas de « carnage social » – mais peut-être ne parlait-il que des emplois français…
Une reprise d’activité à laquelle personne ne croit…
Les salariés nigériens s’interrogent aussi sur les promesses d’Imouraren SA. « On nous dit : l’activité redémarrera dans deux ans. Mais pourquoi alors nous licencier, alors que notre formation a duré plusieurs années ? s’interroge l’un d’eux. Pourquoi vendre le matériel ? Nous ne croyons pas à un redémarrage dans deux ans ». Certains pensent que la mine ne sera jamais exploitée. « Elle sera abandonnée, comme tant d’autres en Afrique », peste un salarié.
Chez Areva comme dans l’entourage du président Issoufou, on assure qu’il ne s’agit que d’un simple contretemps, et qu’il n’est pas question, pour les premiers, de laisser ce gisement à l’abandon, et pour les seconds, de remettre le permis d’exploitation sur le marché. En septembre dernier, les deux parties ont décidé, d’un commun accord, que les travaux reprendraient au 1er janvier 2017, et que la production devrait démarrer, au plus tard, en mars 2020, soit huit ans après l’objectif initial.
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