« Ce qui nous somme » : 30 Marocains contre la haine
Plus d’un mois après les tragiques événements de Paris, trente intellectuels réagissent, dans un ouvrage collectif. Pour que la haine n’ait pas le dernier mot.
D’emblée, une couverture noire qui rappelle les affiches "Je suis Charlie" avec, au centre, un titre qui fait mouche, Ce qui nous somme. Non, les auteurs n’ont pas oublié le "s" au verbe être, mais veulent dire ce qui les met en demeure d’agir après les tragiques événements de janvier, à Paris : "cet islam au nom duquel nous serions sommés de répondre de meurtre", précise Abdelkader Retnani, l’éditeur.
L’initiative, qui a réuni trente intellectuels du Maroc, a été dévoilée au Salon international de l’édition et du livre de Casablanca en février, et sera présentée lors du Salon du livre de Paris à la mi-mars. Un geste louable, dans un contexte d’exacerbation de la haine et alors que l’islam fait l’objet de tant d’amalgames. "Juste après ces malheureux événements, j’ai contacté mes amis et leur ai demandé d’écrire un texte à chaud", explique l’éditeur.
En une semaine, les textes étaient prêts : des coups de gueule, parfois, mais surtout des idées de réforme "pour prévenir le déclenchement de l’étincelle susceptible de susciter l’incendie dévastateur", souligne le militant Abdesselam Aboudrar. "Je suis un bougnoulo-youpin", écrit le cinéaste Hicham Ayouch, de père musulman et de mère juive, qui appelle ses frères des deux religions à comprendre que leur pseudo-haine est un gros mensonge entretenu par le pouvoir politico-économique.
Des familles spirituelles de l’humanité
Le conseiller royal André Azoulay raconte avec émotion comment, dans les années 1950, un ami de son père, de confession musulmane, parti en pèlerinage à Jérusalem, lui ramena un petit sac rempli de cette terre que rêvent de fouler juifs et musulmans. "Toutes les religions appartiennent à des familles spirituelles de l’humanité. Aucun meurtre ne peut s’interpréter à l’aune de la religion", tranche le philosophe Ali Benmakhlouf. "On ne va pas faire la police à l’entrée de la case imagination de chaque dessinateur ou chroniqueur !" s’indigne de son côté Tahar Ben Jelloun.
Dans un chapelet de "j’accuse", l’écrivain Driss Ksikes s’en prend "au wahhabisme et à ses relais bigots qui, depuis des décennies, distillent avec la bénédiction du mercantilisme américain, dans toutes les sphères musulmanes, l’idée fascisante d’une oumma musulmane, supérieure en vérité, en droit de jihad meurtrier contre les impies".
"Comment faire des valeurs universelles des droits de l’homme un bien commun de l’humanité ?" s’interroge Driss El Yazami, qui s’exprime ici en tant que journaliste. Ou, ainsi que le suggère l’islamologue Asma Lamrabet, comment, à partir des valeurs centrales de son message (égalité, libre arbitre, importance de la science et de la raison), réinterpréter le texte sacré.
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