L’Amérique et nous

Certains d’entre vous lisent notre mensuel La Revue. Dans son dernier numéro, qui vient tout juste de paraître, il consacre plusieurs pages à un document qu’il a appelé le testament politique de Barack Obama et dont il donne à lire l’essentiel.

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Publié le 10 mars 2015 Lecture : 4 minutes.

Un mensuel dispose de plus de temps et d’espace qu’un hebdomadaire, raison pour laquelle ni Jeune Afrique ni d’ailleurs ses confrères, quotidiens ou hebdomadaires, n’ont, à ce jour, analysé ou commenté le contenu de ce document.

Il s’agit d’un texte dense (vingt-neuf pages très serrées) et ardu, signé du président des États-Unis en personne.

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Ce dernier a en effet l’obligation constitutionnelle d’élaborer tous les quatre ans et d’envoyer au Congrès (avec lequel il partage le pouvoir) un texte dans lequel il formule la stratégie du pays pour les années à venir.

Rédigé par le président et son conseiller pour la sécurité nationale, celui de 2015 a été adressé au Congrès à la mi-février. Il faut avoir lu ce National Security Strategy pour décrypter l’action internationale des États-Unis, savoir comment ils nous voient, anticiper ce qu’ils feront ou ne feront pas.

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Barack Obama souligne tout d’abord que les États-Unis sont devenus le premier producteur mondial d’hydrocarbures ; il rappelle ensuite que lui, Barack Obama, a terminé les deux guerres héritées de son prédécesseur, George W. Bush, et fait rentrer les quelque 180 000 soldats que ce dernier avait envoyés sur le théâtre des opérations.

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Il recommande à son pays la patience stratégique : « L’Amérique doit cesser de croire qu’elle peut, seule, résoudre tous les problèmes et, pour cela, s’en remettre à chaque fois à la force. Gouverner, c’est choisir entre les priorités, résister à la tentation de vouloir tout faire en répondant à tous les appels.

« Diriger ? Oui, mais pas seuls aux commandes. Désormais, nous le ferons avec des partenaires : nous en avons soixante qu’il convient d’associer à notre action pour partager avec eux les efforts et les sacrifices.

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« Combattre le terrorisme, la violence et les idéologies qui les produisent ? Oui, mais en nous attaquant aux causes de l’extrémisme et pas seulement à ses manifestations sur le terrain. »

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Barack Obama confirme que l’instrument privilégié de l’action américaine dans le monde est désormais l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (Otan), « première alliance multilatérale du monde regroupant autour des États-Unis leurs principaux alliés [il cite le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne, l’Italie et le Canada, mais aussi la Pologne et les pays Baltes].

« Les alliances asiatiques des États-Unis complètent l’Otan et rassemblent autour d’eux le Japon, la Corée du Sud et l’Australie, d’une part, la Nouvelle-Zélande, les Philippines et la Thaïlande, d’autre part.

« Les États-Unis sont une puissance de l’océan Pacifique et le demeureront. D’ailleurs, pour les cinq prochaines années, près de la moitié de la croissance économique, hors États-Unis, proviendra d’Asie », affirment les auteurs du document, avant de révéler qui, en Asie, bénéficie de l’amitié des États-Unis.

« Une Chine prospère et pacifique est la bienvenue. Les États-Unis chercheront à coopérer avec elle. Oui à la compétition entre nos deux grands pays, non à la confrontation.

« Mais c’est avec l’Inde, plus grande démocratie du monde, que nous avons les mêmes valeurs et que nous édifierons un partenariat économique et stratégique. »

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L’Amérique de Barack Obama n’a que deux grands ennemis. Elle va les affronter à la tête de coalitions rassemblées à cet effet.

« La menace terroriste. Elle est en perpétuelle évolution et fait planer sur l’Amérique et ses alliés un risque permanent personnifié par le dénommé « État islamique en Irak et au Levant » (Daesh) et les résidus d’Al-Qaïda. Il faut les défaire partout et les couper du flot de combattants qu’ils attirent.

« La Russie et sa politique d’agression, qui sont une menace pour ses voisins et pour la sécurité de l’Europe.

« L’Ukraine doit être et sera défendue et aidée contre l’agression russe, ainsi d’ailleurs que la Géorgie et la Moldavie.

« Les États-Unis sanctionneront la Russie et utiliseront contre elle d’autres moyens afin de la dissuader de poursuivre sur sa lancée et de la faire rentrer dans ses frontières. »

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Le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord occupent une place de choix dans le rapport.

Barack Obama prévient que les pays de la région peuvent continuer à compter sur le soutien vigilant des États-Unis, mais qu’ils doivent devenir des « partenaires capables de se défendre eux-mêmes ».

« Nous engagerons des moyens importants pour aider Israël, la Jordanie et nos partenaires du Golfe à repousser toute agression.

« Nous ferons en sorte qu’Israël conserve une supériorité militaire qualitative sur ses voisins.

« Les États-Unis et leurs alliés s’efforceront de conclure avec l’Iran un accord qui rassure le monde quant au programme nucléaire iranien.

« Nous coopérerons avec la Tunisie pour qu’elle puisse progresser dans l’édification de ses institutions démocratiques et consolider son économie.

« Avec l’Égypte, notre coopération stratégique sera maintenue pour lui permettre de faire face aux menaces réelles sur sa sécurité et de restaurer ses institutions démocratiques. »

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Sur l’Afrique subsaharienne, le rapport est décevant, car il s’en tient malheureusement à des généralités :

« Plus de 50 % de la population mondiale a moins de 30 ans ; la stabilité et l’immobilisme leur pèsent et ils réclament le changement. C’est vrai au Moyen-Orient et tout autant en Afrique », dit le document.

Il ajoute : « S’agissant de ce continent, il est en développement et nombreux sont les pays dont les progrès sont constants : croissance économique, meilleure gouvernance, respect de l’État de droit.

« Mais non moins nombreux sont les pays d’Afrique où les progrès vers la démocratie sont inégaux, lents et heurtés, avec des dirigeants accrochés au pouvoir.

« La corruption est endémique dans beaucoup trop de pays et les systèmes de santé sont souvent inexistants. »

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Le document confirme que Barack Obama a une vision du monde et une conception du rôle que doivent y jouer les États-Unis différentes de celles de son prédécesseur.

À son initiative, les États-Unis vont réintégrer cet Iran que George W. Bush avait placé dans « l’axe du mal ». Et, à l’inverse, inclure dans cet axe du mal la Russie dont le même George W. Bush voulait faire un pays ami.

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