Censure à l’algérienne
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Marwane Ben Yahmed
Directeur de publication de Jeune Afrique.
Publié le 9 mars 2015 Lecture : 2 minutes.
Nos lecteurs en Algérie n’ont hélas pu se procurer le no 2824 (22-28 février) de Jeune Afrique, qui n’a pas reçu l’autorisation de diffusion du ministère de la Communication. Lequel n’est pourtant plus censé en délivrer depuis les réformes lancées par le chef de l’État, Abdelaziz Bouteflika, au lendemain du Printemps arabe, en 2011, et qui, de surcroît, n’a même pas pris la peine de nous adresser quelque notification que ce soit. Ni, a fortiori, de justifier sa "décision". Même silence radio auprès de notre diffuseur en Algérie, qui attend depuis près de deux semaines le sacro-saint coup de téléphone officieux du ministère…
On devine aisément les raisons de cette censure qui ne dit pas son nom : la publication d’une enquête de quatre pages intitulée "Bouteflika et les femmes", qui fait la une de notre édition Maghreb & Moyen-Orient. Une enquête minutieuse et sérieuse qui n’a rien à voir avec les sujets nauséeux dont raffolent tabloïds britanniques ou presse people internationale, entre racolage, "révélations" scabreuses et étalage trash de la vie privée et intime de personnalités publiques. Non, nous avons simplement décidé de nous pencher sur la vie de l’un des rares chefs d’État d’Afrique et du monde arabe resté célibataire et jadis réputé grand séducteur.
Depuis notre retour en Algérie, en 1998, après vingt-deux longues années d’interdiction, une demi-douzaine de numéros ont été interdits, tous entre 2004 et 2008.
La décision, si l’on peut dire, du ministère de la Communication n’est pas la première du genre. Depuis notre retour en Algérie, en 1998, après vingt-deux longues années d’interdiction, une demi-douzaine de numéros ont été interdits, tous entre 2004 et 2008. Pour des motifs – c’est-à-dire des sujets – très variés : le vote des généraux (2004), les relations entre le Maroc et l’Algérie (2005), la question des caricatures du Prophète (2006), la chute du tycoon Rafik Abdelmoumen Khalifa (2007), le malaise kabyle (2008)…
Depuis, la raison a prévalu. Nous ne pouvions, surtout venant d’un pays qui compte beaucoup à nos yeux depuis sa guerre d’indépendance que nous avons accompagnée au plus près, que nous en féliciter. Ce brusque retour en arrière n’en est que plus incompréhensible. Un véritable crève-coeur. Mais nous ne désespérons pas de voir les autorités algériennes revenir sur cette mesure absurde ; il n’est jamais trop tard pour corriger une faute et reconnaître son erreur. En attendant, nous présentons à nos lecteurs algériens, de plus en plus nombreux, nos excuses les plus sincères pour cette absence, fût-elle indépendante de notre volonté. Et les invitons à lire ladite enquête – et tout le reste de sa production – sur notre site internet. En ces temps de censure que nous pensions révolus, notre devise "le devoir d’informer, la liberté d’écrire" y prend tout son sens.
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