Mali : Songhoy Blues, quatre garçons dans le vent
Enfants du fleuve Niger, repérés par Damon Albarn, les jeunes Maliens de Songhoy Blues ont séduit le public britannique.
C’est une histoire de passion et de patience. Après avoir quitté leur Nord où les "fous de Dieu" n’ont pas oublié, dans leur fièvre destructrice, de proscrire la musique, après des mois de vaches maigres à courir de mariages en baptêmes à Bamako, après s’être produits pour trois sous devant un parterre de mélomanes nostalgiques qui avaient fui, eux aussi, leurs villages contrôlés par le Mujao et par Ansar Eddine, la chance a enfin souri aux quatre garçons qui forment le groupe Songhoy Blues.
C’était en 2013, un peu plus d’un an après que trois d’entre eux eurent laissé leur famille dans le Nord pour tenter "l’aventure" à Bamako. IBK venait de prendre le pouvoir et, même si le Nord, après un an et demi de conflit, était encore traumatisé, c’était d’optimisme, cette fois, que frémissait le Mali.
En septembre de cette année-là, les Songhoy Blues ne connaissaient pas les guitares sales et distordues des Yeah Yeah Yeah, pas plus qu’ils ne comptaient Damon Albarn parmi leurs références musicales. Le leader de Blur et de Gorillaz, producteur surdoué, souhaitait de son côté revenir au Mali, s’appuyant pour cette entreprise sur Marc-Antoine Moreau, qui avait déjà organisé à ses côtés un "Africa Express" à Kinshasa, près de dix ans auparavant.
Le principe des Africa Express est simple : pendant trois jours, dénicher de nouveaux talents et les présenter à des producteurs. Le musicien britannique Brian Eno est de la partie, tout comme le bassiste Olugbenga Adelekan (Metronomy) et les guitaristes Jeff Wootton et Nick Zinner (Yeah Yeah Yeah). De cette sorte de radio-crochet est née la compilation Africa Express Presents : Maison des jeunes, sortie en décembre 2013.
Une grosse claque
Informés du projet, les Songhoy Blues ont invité Marc-Antoine Moreau à venir les écouter dans un petit maquis de Bamako, le Tropicana. Face à leur énergie, Moreau a pris "une grosse claque". "Comme si Ali Farka Touré avait mis les doigts dans la prise, dit-il. C’est une chose assez rare en Afrique, où les musiciens se produisent souvent derrière un maître : là, c’est un vrai groupe, soudé. J’aime leur fraîcheur et leur intelligence."
Du coup, Moreau a organisé illico une rencontre avec Nick Zinner. De cette collaboration spontanée, ils tirent un morceau, "Soubour" ("patience", en songhaï). Dans la foulée, Zinner décide de produire leur album, Music in Exile, qui rencontre aussitôt son public au Royaume-Uni. Au point que Moreau assure n’avoir "jamais vu un truc exploser aussi vite".
Normal. Songhoy Blues n’est pas un énième groupe du nord du Mali formé sur les cendres d’un pays rêvé, l’Azawad. Le groupe est né à Bamako de l’amitié de quatre étudiants férus de musique, fans d’Ali Farka Touré, de Tupak, de Police et de Jimi Hendrix. Oumar (guitare) et Aliou (chant) sont de Gao, le bassiste Garba est de la région de Tombouctou, et ils ont rencontré Nathaniel (batterie) à Bamako. Leur son reprend les boucles de la musique traditionnelle songhaïe tout en s’autorisant des détours plus contemporains.
À Londres, où ils se produisent, les quatre garçons sont encore légèrement sonnés. "C’est un peu difficile de rencontrer un public comme celui-là, concède Garba. Même à Bamako, on n’a jamais connu d’aussi grandes salles. Mais depuis notre premier concert en 2013, les spectacles sont de plus en plus chaleureux." Signés par Atlantic Records aux États-Unis, programmés aux festivals de Glastonbury (Royaume-Uni) et de Roskilde (Danemark), sans doute ne seront-ils pas de retour d’exil avant longtemps.
Music in Exile, de Songhoy Blues, Transgressive Records/Pias. transgressiverecords .com
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