Pourquoi Mohammed VI snobe-t-il Goodluck Jonathan ?

Le ministère marocain des Affaires étrangères a tenu à faire savoir que le roi Mohammed VI a refusé un entretien téléphonique au président nigérian Goodluck Jonathan. Décryptage.

Goodluck Jonathan a demandé un entretien avec le roi du Maroc. © AFP/Montage J.A.

Goodluck Jonathan a demandé un entretien avec le roi du Maroc. © AFP/Montage J.A.

Publié le 6 mars 2015 Lecture : 2 minutes.

C’est un communiqué peu banal qu’a rendu public le ministère des Affaires étrangères à Rabat, ce vendredi. On y apprend que suite à la demande formulée par Abuja d’un entretien téléphonique entre les deux chefs d’État, Mohammed VI "n’a pas jugé opportun d’accéder à cette demande”.

La diplomatie marocaine estime que cette démarche est "liée à des échéances électorales importantes", au moment où le président nigérian brigue un second mandat. En outre, Rabat refuse de laisser croire "à un rapprochement entre le Maroc et le Nigéria (compte tenu) des positions de ce pays à l’égard de causes nationales et arabo-musulmanes sacrées". Plutôt expéditif, le communiqué conclut par ces mots: "La demande des autorités nigérianes s’apparente plus à un acte de récupération de l’électorat musulman de ce pays qu’à une démarche diplomatique normale".

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Selon un diplomate, la demande d’entretien a été formulée par la présidence nigériane il y a quelques jours. “Il est curieux de noter cette insistance à s’entretenir avec Sa Majesté, à ce moment précis, et sans qu’aucun agenda particulier ne le rende nécessaire", s’interroge cette même source, qui explique que ni la lutte contre les terroristes de Boko Haram, ni les questions d’intérêt conjoint ne semblent avoir guidé la demande de Goodluck Jonathan. Depuis cinq ans qu’il est au pouvoir, le président nigérian ne s’est jamais entretenu avec le roi du Maroc.

Des relations plutôt froides entre le Nigeria et les États arabes ou musulmans, en particulier le Maroc

Pour Rabat, il est évident que le président-candidat souhaite afficher sa proximité avec des chefs d’États musulmans à la veille d’une élection cruciale. Des démarches similaires ont été faites auprès d’autres États arabes, y compris l’Arabie saoudite et l’Égypte. Fin 2014, ces derniers avaient été surpris par l’abstention du Nigeria à la demande de reconnaissance de l’État palestinien à l’ONU. Ce vote avait rendu inutile l’usage d’un veto par les États-Unis. Et Jonathan a multiplié les visites officielles et privées en Israël. Voilà donc pour la "cause arabo-musulmane sacrée" évoquée dans le communiqué.

Par ailleurs, les relations entre Rabat et Abuja sont refroidies par le soutien persistant du Nigeria à l’indépendance du Sahara occidental. La reconnaissance de la RASD remonte à 1984. En dépit des efforts de pays dits "amis" du Maroc, notamment en Afrique de l’Ouest, ce soutien aux séparatistes sahraouis n’a pas été démenti. Faut-il croire que Rabat a manqué l’occasion de faire infléchir la position nigériane ? "Nous ne sommes prêts à aucune transaction pour arracher je ne sais quel soutien", tranche notre source, qui a été impliquée directement dans cette affaire. Et d’ajouter : "Le Maroc ne marchande pas sur sa cause nationale. L’ère des petits arrangements est révolue."

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Au moment où le royaume sort d’une longue crise diplomatique avec la France, son principal allié sur la question du Sahara occidental, la diplomatie marocaine semble prête à réaffirmer un nouveau ton sur la scène internationale, y compris en "prenant à témoin" l’opinion publique nigériane des visées électoralistes de son président.

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