Le favipiravir ou Avigan, une vraie piste thérapeutique contre le virus Ebola ?
Pour la première fois testé sur l’Homme, un antiviral aux résultats mitigés pourrait, somme toute, être une piste thérapeutique contre le virus Ebola.
S’il agit contre plusieurs virus de grippe, mais aussi ceux de la fièvre jaune et de la fièvre aphteuse, le favipiravir pourrait aussi être efficace contre le virus Ebola, indique un rapport scientifique publiant, lundi 2 mars, les résultats d’un premier essai clinique lancé fin 2014 en Guinée.
Concrètement, cette molécule, dont la structure se rapproche de celle du benzène, inhiberait une enzyme indispensable à la réplication des virus à ARN. Au printemps dernier, le favipiravir avait été testé contre Ebola sur des souris, avec succès même si administré six jours après la contamination (1).
Pris sous sa forme médicamenteuse, dénommée Avigan, à la mi-décembre 2014 et sur dix jours par 80 malades dont onze enfants, le favipiravir n’a donné "des signes encourageants d’efficacité" que chez les patients diagnostiqués avec des niveaux moyens ou élevés d’infection et sans lésions d’organe. Si, d’après des données antérieures à l’essai clinique, la mortalité sans traitement était de 20 à 30 % pour des cas similaires, celle après la prise de favipiravir a baissé à 15 %.
Financé par la France et la Commission européenne, l’essai clinique a été mené en partenariat avec les autorités et les chercheurs guinéens et a été géré par différentes associations et organisations non-gouvernementales sur les sites de Guéckédou (Médecins sans frontières), N’Zérékoré (Alliance pour l’action médicale internationale), Macenta (Croix-Rouge française) et Conakry (centre de traitement de soignants). Un comité de surveillance indépendant en a suivi le déroulement.
Le favipiravir, dont voici la formule chimique, est produit par Toyama Chemical, une filiale de Fujifilm Holdings. © Yikrazuul, Wikimedia Commons.
"Ces résultats laissent donc espérer que le favipiravir puisse réduire la mortalité dans cette population au stade moins avancé", déclarent les auteurs du compte-rendu publié par l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale), l’organisme français parrain de l’opération. En revanche, la molécule n’a pas eu d’effet chez 42 % des malades déjà atteints de lésions viscérales graves et 93 % d’entre eux n’ont pas survécu.
"Avec cette classification en deux groupes, nous avons une bien meilleure compréhension de la maladie à virus Ebola, expliquent les auteurs, et nous pouvons redéfinir le rôle des monothérapies antiviraux dans l’arsenal thérapeutique utilisé contre la maladie", ajoutent-ils. L’équipe internationale préconise désormais de poursuivre l’essai clinique en utilisant un grand nombre de patients et en s’efforçant de donner l’antiviral le plus tôt possible après le début des symptômes. Quant aux malades à un stade plus avancé de la pathologie, il est primordial d’explorer d’autres options thérapeutiques.
Le fabricant japonais Toyama Chemical, filiale de Fujifilm Holdings, disposerait déjà de 20 000 traitements complets. Un espoir supplémentaire de vaincre l’épidémie d’Ebola, démarrée début 2014 et qui a déjà fait, selon le dernier bilan de l’OMS, 9 177 victimes sur 23 000 cas recensés en Guinée, au Liberia et au Sierra Leone.
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Andréa Haug
(1) Les références des deux études scientifiques sur les souris parues mi-2014 sont disponibles ici et là.
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