Tidjane Thiam, d’Abidjan à la City

Tidjane Thiam, président du groupe d’assurance britannique Prudential, est le premier Noir à diriger l’un des cent premiers groupes de la City.

Le Franco-Ivoirien Tidjane Thiam a vu sa carrière décoller après son arrivée à Londres en 2002. © World Economic Forum/Wikimedia Commons

Le Franco-Ivoirien Tidjane Thiam a vu sa carrière décoller après son arrivée à Londres en 2002. © World Economic Forum/Wikimedia Commons

Publié le 8 mars 2010 Lecture : 3 minutes.

Grand, élancé, élégant, le regard cerclé d’une fine monture, la star de la City en ce début de 2010 n’en cultive pas moins une extrême discrétion. Mais sous la carapace de cet homme bien né – des liens de sang l’unissent à Houphouët-Boigny – bouillonne une détermination sans faille. Il aurait pu se contenter d’être le premier Noir à diriger l’un des cent premiers groupes de la City. Mais il rêve d’un bâton de maréchal d’un tout autre métal. « C’est le reflet d’un état d’esprit que nous a insufflé notre père : être les meilleurs dans tout ce que l’on entreprend. Tidjane voulait constamment être le premier de sa classe, y compris en gym ou en dessin. Ce souci de la perfection l’a toujours guidé », se souvient son frère Augustin, médecin à la retraite. Les sept enfants de la fratrie ont tous réussi leur parcours universitaire, avec une maîtrise comme bagage minimum. Sur cinq garçons, trois ont déjà été ministres en Côte d’Ivoire.

Alors français, le père de Tidjane, Amadou Thiam, né en 1923 à Dagna, sur les rives du fleuve Sénégal, arrive à Abidjan en 1945. Il lancera Radio Côte d’Ivoire en 1962, puis deux chaînes de télévision, avant d’être nommé ministre de l’Information, puis ambassadeur au Maroc. « Nous sommes sénégalais comme Barack Obama est kényan », ironise Augustin. Et français comme leur père, Amadou, dont Tidjane Thiam a pu lire l’émotion dans les yeux « le jour où il reçut ses insignes de Chevalier de la Légion d’honneur. Ce jour-là, [il comprit] soudain pourquoi cet homme qui avait lutté pour voir la Côte d’Ivoire indépendante réagissait encore si fortement aux accents de La Marseillaise où qu’il l’entende ».

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C’est au lycée Descartes de Rabat que Tidjane Thiam obtient son bac avant de poursuivre ses études en France. « L’immigré que je suis est reconnaissant aux sans-culottes. Ils nous ont donné en héritage ce mot et cette aspiration si précieux : la méritocratie », écrit-il dans Qu’est-ce qu’être français ?, un ouvrage à plusieurs mains publié en octobre 2009 par l’Institut Montaigne. Polytechnicien, il doit à son 1,93 m d’avoir défilé sur les Champs-Élysées au premier rang de la prestigieuse école, le 14 juillet 1983, sous le regard protecteur de sa mère. Un cursus qu’il complétera en 1988 par un MBA à l’Institut européen d’administration des affaires (Insead).

Mais sa couleur de peau plombe un CV orné des plus prestigieux diplômes de la République, ces prétendus sésames de la réussite. Il est d’abord recruté par le cabinet McKinsey, à Paris. En 1994, il saisit l’occasion que lui offre le président Henri Konan Bédié de revenir au pays. Directeur général du Bureau national d’études techniques et de développement (BNETD), chargé des grands travaux, « il a ivoirisé l’institution, qui comptait 70 % de cadres expatriés français », rappelle Augustin. Il sera ensuite ministre du Plan et du Développement, jusqu’au coup d’État de 1999. « C’était pendant Noël, il était en vacances chez la famille de sa femme [une Américaine convertie à l’islam, la religion de son époux], aux États-Unis. Quand il a appris que ses collègues ministres avaient été arrêtés, il est revenu à Abidjan et s’est constitué prisonnier. Il faut le faire ! » s’exclame Augustin.

De retour sur le Vieux Continent, il est repéré en 2002 par Aviva. En 2006, il en devient le patron pour l’Europe et siège au conseil d’administration. D’aucuns le voient déjà prendre les rênes du groupe d’assurance britannique. Mais il rejoindra l’ennemi juré Prudential. Tidjane Thiam, « cet homme doué d’un talent extraordinaire », dixit Mark Tucker, qui lui a cédé son fauteuil de PDG, ne frappe décidément jamais là où on l’attend.

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