Meurtre de Nemtsov : Poutine et les nationalistes dans « Moscou la sanglante »

Après beaucoup d’autres, l’opposant Boris Nemtsov a été assassiné, le 28 février. Les commanditaires de l’opération seront-ils jamais arrêtés ? Prenons les paris.

Boris Nemtsov, tué dans la nuit du 27 au 28 février. © KIRILL KUDRYAVTSEV / AFP

Boris Nemtsov, tué dans la nuit du 27 au 28 février. © KIRILL KUDRYAVTSEV / AFP

ProfilAuteur_JeanMichelAubriet

Publié le 10 mars 2015 Lecture : 2 minutes.

"Le gouvernement russe est une monarchie absolue tempérée par l’assassinat", écrivait jadis le marquis de Custine (1790-1857). Que dirait-il aujourd’hui ! Depuis que Vladimir Poutine le dirige, le gouvernement russe est une autocratie que plus rien ne tempère. Et surtout pas l’assassinat, qui, s’il est toujours beaucoup pratiqué, ne vise plus le tsar et ses ministres mais bien leurs opposants. Combien ont ainsi été abattus de sang-froid, depuis dix ans ?

La journaliste Anna Politkovskaïa ? Criblée de balles dans le hall de son immeuble, en 2006. L’ex-espion Alexandre Litvinenko ? Empoisonné au polonium, deux mois plus tard à Londres. L’avocat Stanislas Markelov et la journaliste Anastassia Babourova ? Tués par balles en pleine rue, dans la capitale, en 2009. La militante des droits de l’homme Natalia Estemirova ? Enlevée et exécutée à Grozny, en Tchétchénie, la même année. L’avocat fiscaliste Sergueï Magnitski ? Mort faute de soins en prison, un peu plus tard. L’ex-oligarque Boris Berezovski ? Étranglé dans son cottage anglais, en mars 2013.

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Ça commence à faire beaucoup, non ? D’autant qu’on ne compte plus les adversaires du régime emprisonnés, persécutés ou contraints à l’exil. Mikhaïl Khodorkovski, par exemple, l’ancien PDG du groupe pétrolier Ioukos, a fait dix ans de bagne en Sibérie dans des conditions extrêmes avant d’être gracié par Poutine et de s’installer en Suisse. À chaque fois, le Kremlin proteste de son innocence et feint de diligenter une enquête, qui, immanquablement, s’enlise.

Dans le meilleur des cas, c’est-à-dire rarement, un exécutant est condamné à dix ans de prison. Mais jamais un commanditaire n’a été démasqué. Il n’est d’ailleurs pas assuré que le Kremlin soit chaque fois directement impliqué. Mafieux en tous genres, miliciens rouges-bruns exaltés ou barbouzes nostalgiques de la dictature du prolétariat peuvent se charger de la besogne sans qu’il soit besoin de le leur suggérer. Le délire ultra­nationaliste ambiant suffit à armer le bras des assassins.

Poutine dénonce une "provocation"

Dans ce contexte, l’élimination dans la nuit du 27 au 28 février, en plein centre de Moscou, de l’opposant Boris Nemtsov, qui fut vice-Premier ministre de Boris Eltsine, n’a surpris personne. Et surtout pas lui-même. "Ma mère m’a dit : "Arrête de dire du mal de Poutine, il va te tuer"", avait-il confié quinze jours auparavant.

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Grand contempteur de la corruption, il estimait qu’entre 25 et 30 milliards de dollars (entre 18 et 22 milliards d’euros) avaient été détournés à l’occasion des Jeux olympiques de Sotchi, l’an dernier. Surtout, il n’avait pas de mots assez durs pour fustiger la gestion poutinienne de l’économie et le soutien apporté par le Kremlin à l’insurrection des miliciens prorusses en Crimée et dans l’est de l’Ukraine. S’apprêtait-il à faire des révélations à ce sujet ? On le dit.

Poutine dénonce pour sa part une "provocation" visant à "déstabiliser le pays" et promet aux coupables un châtiment exemplaire. D’ailleurs, l’enquête a été confiée au FSB – successeur de l’illustre KGB -, dont il fut naguère le patron. C’est dire si les tueurs ont du souci à se faire !

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