Tidjane Thiam, de l’art de contourner le plafond de verre
Tout nouveau directeur général du Crédit Suisse, Tidjane Thiam a réussi dans une sphère économique européenne largement fermée aux Africains. Pour cela, il aura fallu quitter sa Côte d’Ivoire natale et sa France adoptive…
II est grand, Tidjane Thiam. 1,93 m. Mais lorsqu’on est trop grand, on se cogne au plafond. Et c’est un plafond de verre « invisible mais réel » que le géant Thiam a souvent heurté dans cette même France qui le trouvait pourtant distingué en uniforme…
Est-ce parce qu’il est noir que ses diplômes de Polytechnique, de l’École des Mines et de l’INSEAD semblent moins compter en France qu’à l’extérieur ? En 2009, c’est la compagnie d’assurances britannique Prudential qui le propulsera premier patron noir d’une entreprise du Footsie, l’indice de référence de la bourse londonienne. Depuis le 10 mars, c’est la Confédération helvétique qui offre au jeune quinquagénaire la direction du Crédit suisse.
En 2009, dans une tribune écrite pour l’Institut Montaigne, le dirigeant d’entreprise déclamait tout à la fois son amour pour la patrie des Droits de l’Homme et la difficulté d’y progresser professionnellement. Bien sûr, c’est la France qui a abrité les études brillantes de ce natif d’Abidjan. Mais Tidjane Thiam dépeint « les policiers français qui tutoient », les « chasseurs de têtes embarrassés » et les « collègues moins compétents » qui prennent l’ascenseur social quand lui reste bloqué dans une cage d’escalier où l’égalité des chances ne semble qu’une vaine expression.
Aléas politiques
Oui, les peaux d’ébène remportent de francs succès en Europe. Parfois sur les podiums de la haute couture, parfois dans des concours de beauté, souvent dans les stades ou dans les salles de concert, rarement dans la politique ou dans l’audiovisuel, trop exceptionnellement dans le monde des affaires.
Les grognons, tout à la fois jaloux du parcours de Tidjane Thiam et agacés par ses jérémiades, pourraient lui reprocher de ne pas avoir tracé son sillon dans le continent qui l’a vu naître. L’accusé rétorquerait que ce n’est pas faute d’avoir essayé. Mais les carrières, en Afrique, subissent les aléas d’alternances plus ou moins apaisées, surtout quand on est à la fois le fils d’une nièce de Félix Houphouët-Boigny, de son ancien ministre de l’Information Habib Thiam et le neveu de l’ancien Premier ministre du Sénégal Habib Thiam.
Responsable, dans les années 90, du Bureau national d’études techniques et de développement (BNEDT), en Côte d’Ivoire, puis ministre ivoirien du Plan, Tidjane Thiam sera balayé par le balayeur du coup d’Etat de Noël 1999. Il est des filiations qui vous desservent, quand elles ne vous servent plus. Vive la ségrégation politicienne : elle tient moins compte de la couleur de la peau que de la couleur politique supposée…
Par Damien Glez
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