Malgré la baisse de leur fortune, les milliardaires nigérians restent sereins

En dépit des turbulences qui ont malmené leurs fortunes, les milliardaires nigérians, avec à leur tête Aliko Dangote, l’homme le plus riche d’Afrique, veulent voir plus loin que la crise.

Aliko Dangote, ici avec sa fille Halima au gala 2014 de l’hebdomadaire américain Time, est l’homme le plus riche du continent africain. © Evan Agostini/AP/SIPA

Aliko Dangote, ici avec sa fille Halima au gala 2014 de l’hebdomadaire américain Time, est l’homme le plus riche du continent africain. © Evan Agostini/AP/SIPA

Publié le 13 mars 2015 Lecture : 3 minutes.

Les Nigérians les plus riches, dont la fortune a augmenté de manière exponentielle ces dix dernières années, ont perdu des milliards de dollars. La cause ? Une chute importante des prix à la Bourse de Lagos et la rapide dépréciation du naira. Cette instabilité n’est pas un risque nouveau pour les grandes fortunes de la plus grande économie d’Afrique. Bien que cette dernière se soit grandement diversifiée au cours de la dernière décennie – notamment à travers les banques et les services, qui connaissent une expansion considérable -, elle reste toujours dépendante à 70 % du prix du pétrole.

Aliko Dangote, dont la fortune, fondée sur les industries meunières, cimentières et sucrières, compte pour un quart des capitalisations réalisées sur la place financière nigériane, sort grand perdant, avec une perte de 5,4 milliards de dollars [4,8 milliards d’euros] sur un total estimé à 21 milliards de dollars, selon les données de Bloomberg. Beaucoup de ces pertes ont eu lieu à partir du mois de novembre, lors de la chute vertigineuse des prix du brut.

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>>>> Wikileaks : la face cachée d’Aliko Dangote

Quant au naira, il a perdu 20 % de sa valeur depuis six mois. Un déclin accentué par les incertitudes politiques liées aux prochaines élections. Pour les nouvelles entreprises, qui génèrent des bénéfices en monnaie locale mais dont les dettes sont libellées en devises étrangères, la pression est permanente. « Beaucoup de rêves se sont effondrés parce que les entrepreneurs ont utilisé leurs revenus en nairas pour payer une dette exprimée en dollars », affirme ainsi Aliko Dangote au Financial Times, depuis ses bureaux de Lagos.

Optimiste

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Au coin de la rue du quartier chic d’Ikoyi, Tony Elumelu, président et ancien directeur exécutif de United Bank for Africa (UBA), dit avoir converti pour cette même raison un emprunt de 230 millions de dollars en nairas pour l’acquisition d’une centrale électrique. Lui aussi a vu sa fortune fondre. Les parts détenues par sa société Heirs Holding (spécialisée dans l’énergie, les opérations financières, l’agriculture et la santé) dans la compagnie cotée Transcorp (groupe d’investissement diversifié) ont été dévaluées de 445 millions de dollars.

La valeur des autres investissements de Tony Elumelu dans des sociétés telles qu’UBA a diminué de près de 40 millions de dollars. Jim Ovia, président de Zenith Bank, grande rivale d’UBA, n’est pas mieux loti : ses 9 % de parts dans cette société lui ont fait perdre 100 millions de dollars depuis janvier.

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La situation ne semble pas préoccuper Tony Elumelu pour autant : « Regardez les gens comme Aliko et moi : nous ne sommes pas des investisseurs à court terme. Nous n’allons pas récupérer notre argent demain. » Aliko Dangote, qui a survécu à de nombreuses fluctuations boursières depuis trente-cinq ans, avoue tout de même avoir du mal à dormir. Mais il reste optimiste sur la question du cours boursier – une fois que les turbulences liées aux élections du 28 mars seront terminées : « Je vais revenir encore plus fort. Nous connaissons des temps difficiles, mais les fondamentaux nécessaires pour faire des affaires sont toujours là. »

« Regardez les gens comme Aliko Dangote et moi : nous ne sommes pas des investisseurs à court terme », rassure Tony Elumelu.

Piqûre

Les nouvelles superfortunes, apparues grâce à l’obtention de contrats de négoce de pétrole durant le mandat de Goodluck Jonathan ou en acquérant des blocs soldés par les multinationales, subissent quant à elles leur première crise. Kola Karim, dont l’entreprise Shoreline Energy s’est associée au britannique Heritage Oil pour l’acquisition d’un bloc, explique : « Beaucoup de personnes ont acheté des biens quand les cours étaient au plus haut. Si nous, qui avons acheté il y a trois ans et demi, sentons la piqûre, imaginez ce qu’il en est pour ceux qui ont investi l’année dernière ! »

Cependant, le milliardaire ne verra pas son mode de vie changer. Il s’inquiète davantage pour les classes moyennes et les classes moyennes supérieures. « Cette crise pèsera bien plus sur les familles qui bataillent déjà pour payer des études supérieures à leurs enfants en Angleterre. Elles ne pourront plus se permettre d’extras », regrette-t-il, ajoutant que le Nigeria doit en tirer des leçons.

Car ces pertes considérables révèlent l’échec du gouvernement du président Goodluck Jonathan. « Nous devons diversifier les grands secteurs de l’économie en dehors du pétrole, en se penchant davantage sur le gaz, l’énergie, l’industrie manufacturière ou l’agriculture. » Il projette ainsi de tirer parti de la récente hausse du prix du gaz pour construire un gazoduc, et créer une société spécialisée dans la pisciculture et la production de tomates.

>>>> Lire aussi – Nigeria : le géant vacille, à qui la faute ?

Par William Wallis © Financial Times & Jeune Afrique 2015, traduit de l’anglais par Sarah El Makhzoumi

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