Owendo, un port moderne mais trop cher ?
Grâce à de nouveaux équipements et à des procédures simplifiées, le port d’Owendo, au Gabon, peut enfin booster ses activités. Problème : les coûts de la manutention et du transit restent trop élevés.
Gabon, à l’heure des comptes
Sur l’échiquier politique, comme sur les plans économique et social, les grandes manœuvres ont commencé. Objectif : la présidentielle 2016.
Surplombant le port d’Owendo, à 15 km au sud de Libreville, trois grues mobiles font claquer leurs mâchoires d’acier. Hautes de 50 m, elles peuvent soulever chacune 100 tonnes de marchandises d’un seul coup. L’acquisition a coûté près de 8 milliards de F CFA (près de 12,2 millions d’euros) mais le gain est précieux. En effet, depuis un an, la productivité des opérations de chargement et de déchargement a bondi de 75 %. Dans l’estuaire du Komo, le temps d’attente des navires a été divisé par deux, passant de 8 à 4 jours en moyenne.
Un soulagement pour les opérateurs économiques. Car, jusqu’à présent, le plus grand port commercial du pays était régulièrement engorgé, au bord de l’asphyxie. En 2013, le trafic de conteneurs y avait dépassé les 130 000 équivalents vingt pieds (EVP, unité de mesure de volume de conteneurs représentant environ 38 m3) alors que la capacité de traitement du port n’était que de 120 000 EVP. Une croissance des volumes de marchandises traitées liée notamment à la politique de grands travaux engagée en 2009 (routes, bâtiments publics, stades…) et aux besoins en matériaux de construction qu’elle a suscités.
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Quelque 600 000 tonnes de ciment ont été importées l’an dernier au Gabon contre 150 000 tonnes en 2009. De nouveaux hangars et magasins d’entreposage ont également été bâtis sur les terre-pleins du port pour accueillir les marchandises devant être acheminées vers l’intérieur du pays. Le terminal minier a été agrandi. Enfin, un guichet unique sera ouvert dans le courant de cette année pour simplifier les procédures auprès des douanes et des autorités portuaires. « Pour sortir nos marchandises du port, c’est le parcours du combattant, ça coûte du temps et de l’argent ! » explique un grossiste de Libreville, impatient de voir cette mesure se concrétiser.
Obsolètes
Bien que Libreville rêve d’un port commercial à vocation internationale, Owendo n’est pas vraiment compétitif comparé à ses voisins camerounais (Douala et Kribi) et congolais (Pointe-Noire), portes d’entrée sous-régionales pour les pays enclavés. Ainsi, le trafic du port de Douala, qui voit transiter près de 90 % des importations et exportations du Tchad et de la Centrafrique, est aujourd’hui deux fois plus important que celui du port commercial d’Owendo.
Après des années sans grands investissements, les infrastructures et les équipements de ce dernier étaient devenus obsolètes. Dans les années 1970, son linéaire de quai (455 m) avait été conçu pour pouvoir accueillir simultanément trois bâtiments de 150 m. Or, aujourd’hui, avec la massification du transport maritime et l’allongement de la taille des bateaux, seuls deux bâtiments peuvent y accoster en même temps. La construction d’un quai de deux fois 400 m et d’un tirant d’eau de 13 m (contre 7 m actuellement) est en cours. Ils devraient permettre de fluidifier les activités de manutention et de désengorger le trafic, avec une partie destinée à l’accueil des porte-conteneurs et l’autre aux vraquiers (transportant des marchandises en vrac).
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Mais les travaux, qui devaient s’achever mi-2015, ont pris du retard. Estimé à 62 millions de dollars (environ 50 millions d’euros) en 2012, le coût initial du projet, réalisé par Marine Divers Marine Contracting (MDMC, basé à Abou Dhabi) pour le compte de la Société de développement des ports (SDP, filiale d’Olam Gabon), doit être réévalué. Le nouveau quai ne sera donc pas opérationnel avant au moins un an, voire deux, précise-t-on à l’Office des ports et rades du Gabon (Oprag).
« Exorbitants »
En attendant, les opérateurs continuent de dénoncer les « coûts exorbitants » des prestations de manutention et de transport terrestre. « Le problème, c’est surtout l’écart entre le prix que l’on paye et un service qui n’est pas performant. Exporter un conteneur à Owendo revient deux à trois fois plus cher qu’à Douala », explique un industriel du bois.
Depuis 2007, c’est la Société des terminaux de conteneurs du Gabon (STCG), un consortium constitué de deux groupes français, Necotrans (49 %) et Bolloré Africa Logistics (BAL, 51 %), qui a obtenu l’exploitation du terminal à conteneurs et est notamment chargée du traitement et de l’entreposage des marchandises, ainsi que de la distribution au niveau national. En 2012, le Gabon a ratifié une nouvelle loi qui met fin à l’exclusivité des concessions portuaires attribuées aux sociétés de logistiques et devrait permettre à la concurrence de jouer.
Monopole
Mais, affirme un cadre du port, Necotrans et Bolloré « s’entendent sur les prix et dictent leur loi. Leurs tarifs sont tellement flous que tout le monde s’y perd ». Le problème vient notamment de ce que la tarification est facturée au contenu alors qu’elle devrait l’être à la boîte (c’est-à-dire au mouvement de conteneur). « Vous ne payez pas la même chose si vous transportez des écrans plasma ou du ciment, poursuit-il, et ce système n’a pas été modifié depuis les années 1970… Aujourd’hui, on ne voit ça nulle part ailleurs dans le monde ! » Une commission est en train de travailler à l’établissement d’une nouvelle base de tarification plus transparente, qui devrait être mise en application au cours du deuxième trimestre.
Par ailleurs, trois ONG gabonaises (SOS Consommateurs, l’association Jeunesse sans frontières et Time) s’alarment des « pratiques anticoncurrentielles » de Bolloré Africa Logistics. Après s’être plaint en ce sens en avril 2014 auprès de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui s’est déclarée incompétente, leur avocat a saisi la justice gabonaise fin novembre et s’apprête à déposer un nouveau recours devant le Conseil d’État pour réclamer l’annulation de la concession sur le terminal à conteneurs et, donc, du contrat passé entre les pouvoirs publics gabonais et BAL. « SDV, Saga, STCG… À chaque étape de la chaîne logistique, vous trouvez une filiale de Bolloré. Le groupe a mis en place un réseau d’entreprises qui lui permet de bénéficier d’un monopole », dénonce le collectif.
« Les Gabonais en sont les premières victimes. Les tarifs prohibitifs de la manutention et du transit font que le prix du kilo de riz, aliment de base, est trois à cinq fois plus élevé que dans le reste de la région », déplore Christian Abiaghe Ngomo, le président de SOS Consommateurs, qui estime que le groupe français est en grande partie responsable de la cherté de la vie.
Le directeur général de l’Oprag, Rigobert Ikambouayat Ndeka, reconnaît que « les marges pratiquées par les prestataires sont exagérées. À l’avenir, nous n’hésiterons pas à retirer une autorisation d’exercer en cas de nouveaux abus », prévient-il, assurant que les choses sont en passe de changer.
>>>>> Lire aussi – Rigobert Ikambouayat Ndeka : « En quatre ans, le trafic de conteneurs a doublé au Gabon »
Par Elise Esteban, à Libreville
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