La Syrie plonge dans l’obscurité : un drame en photos satellites nocturnes
Des images satellites, publiées par des chercheurs de l’université de Wuhana, en Chine, ont révélé une diminution de 83 % en quatre ans des lumières nocturnes visibles dans le ciel syrien.
En Syrie, l’obscurité suit l’obscurantisme politico-religieux. Des images satellites publiées par des chercheurs de l’université de Wuhan, en Chine, révèlent une diminution de 83 % en quatre ans des lumières visibles la nuit dans le ciel syrien.
Rendue publique jeudi 12 mars, l’étude a été réalisée en collaboration avec le collectif #withSyria, qui regroupe des organisations humanitaires et de défense des droits de l’homme, engagées aux côtés des civils, pris en étau par un conflit qui a déjà fait 220 000 morts depuis mars 2011.
Eclairage nocturne en Syrie en mars 2012… et en décembre 2014.
L’étude a été menée à l’initiative du collectif d’ONG #withsyria. Elles révèlent un contraste saisissant (Photos satellites analysées : Dr Xi Li, Université du #Wuhan). Twitter.
Xi Li, professeur adjoint à l’Université Wuhana en Chine, et chercheur associé à l’Université de Maryland aux États-Unis, a mené ses recherches en se basant sur des photos capturées de nuit tous les six mois, jusqu’en février 2015. Celles-ci montrent le lent obscurcissement des principales zones de peuplement syriennes, frappées notamment par la violence des bombardements et les déplacements de populations. "Les images satellites fournissent les données les plus fiables montrant l’ampleur de la dévastation en Syrie", explique le professeur Xi Li. Il ajoute que ces images aident "à comprendre la souffrance et la peur qui sont la réalité quotidienne des civils en Syrie".
On peut observer que les lumières nocturnes s’estompent dans les grandes métropoles Alep et Damas (dans une moindre mesure cependant pour cette dernière) et dans l’axe Alep-Deïr Es Zor, le long de la vallée de l’Euphrate.
Évolution de l’éclairage dans la région de Deïr Es Zor (mars2012/decembre2014).
(Photos satellites analysées : Dr Xi Li, Université du #Wuhan). Twitter.
Les villes d’Alep et d’Idlib, soumises aux bombardements intensifs en raison des poches de rébellion, sont sans surprise les moins "éclairées". Elles ont perdu respectivement 97 % et 96 % de leurs éclairages nocturnes selon l’étude. La région de Raqua, bastion de l’organisation de l’État Islamique, s’est quant à elle assombrie à 96 %.
Pilonnées par l’armée de Bachar Al-Assad, les villes rebelles de Homs et Hama sont également très touchées (87 %). De son côté Derra, berceau de la révolution a perdu 74 % de son éclat nocturne. Les seules villes qui font exception, sont celle de Damas, épine dorsale du régime syrien et Quneitra, proche de la frontière israélienne, où respectivement 33 % et 47% des lumières ont disparu.
"Rallumer ces lumières"
Karim Lahidji, président de la Fédération internationale des droits de l’homme et partenaire de l’opération s’alarme de la situation et lance un appel à la communauté internationale "Qu’elle se fasse entendre et qu’elle ne les oublie pas, qu’ils soient en Syrie ou réfugiés. La communauté internationale a le devoir de rallumer ces lumières".
Le professeur Witmer n’a vu nulle part ailleurs un tel déclin de la lumière de nuit, sauf pendant le génocide au Rwanda.
Lire aussi : Quelle révolution syrienne ?
Avoir recours à l’imagerie de la lumière afin d’analyser des conflits est-elle une démarche pertinente ? Frank Witmer, professeur de sciences informatiques à l’Université de l’Alaska Anchorage aux États-Unis répond par l’affirmative mais reste prudent. "Les chercheurs ont longtemps utilisé l’imagerie de la lumière la nuit dans les études de l’urbanisation, la croissance démographique et autres. Son utilisation dans le suivi de conflits et le mouvement à grande échelle des personnes déplacées est, il est vrai, une tendance relativement nouvelle".
Le professeur Witmer a mené ses propres recherches sur les fluctuations de la lumière la nuit pendant les conflits séparatistes en Tchétchénie et en Géorgie / Ossétie du Sud, en 2011. Il a constaté que de nombreux aspects de la guerre tels que des explosions et des décès individuels n’étaient pas détectables, mais que d’autres phénomènes tels que les mouvements de réfugiés, d’endommagement du réseau et les incendies pourraient apparaître. "La combinaison de plusieurs sources de l’imagerie par satellite avec les rapports souvent partiels et partiaux relayés par les médias peut aider à fournir une image plus précise de la distribution spatiale et temporelle de la violence, même dans le "brouillard de la guerre", assure-t-il.
Le professeur Xi Li qui a publié l’étude dans le Journal international de la télédétection (International Journal of Remote Sensing), a étudié des motifs de lumière fluctuante dans presque 160 pays. Constat accablant pour la Syrie : il n’a vu nulle part ailleurs un tel déclin de la lumière de nuit, sauf pendant le génocide au Rwanda, où le pays s’etait assombri à 80 % en quelques mois.
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