Opposition togolaise : Alberto Olympio, Cauris et les 5 millions d’euros disparus
Brillant informaticien devenu opposant au Togo, Alberto Olympio a été inculpé par la justice togolaise le 25 février pour plusieurs chefs d’accusation, dont celui de faux en écriture bancaire. Son nouveau rendez-vous avec les juges ce jeudi alimente les suspicions d’un complot orchestré à son encontre par ses adversaires politiques.
Même si Alberto Olympio a renoncé à se présenter à la prochaine élection présidentielle "tant que les conditions de transparence ne seront pas réunies", il demeure l’un des hommes politiques togolais les plus en vue. Mis en examen le 25 février dernier, le président du Parti des Togolais et neveu de l’opposant historique rallié au pouvoir Gilchrist Olympio, a de nouveau rendez-vous avec un juge le jeudi 12 mars.
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Pour comprendre le feuilleton judiciaire qui captive l’attention publique à Lomé, il faut remonter en mai 2013. À l’époque, la société Axxend, spécialisée dans les systèmes d’information et qui est alors dirigée par Alberto Olympio, est en pleine expansion. Avec 20 millions d’euros de chiffre d’affaires et une soixantaine d’employés dans plusieurs pays, l’entreprise a besoin d’investisseurs pour diversifier son offre et se développer. Et c’est là qu’intervient le Fonds Cauris Croissance II, géré par Cauris Management.
La société d’investissement a comme partenaires la Banque africaine de développement (BAD), la Banque ouest-africaine de développement (BOAD), IFC (International Finance Corporation, Groupe Banque mondiale), la Banque européenne d’investissement (BEI) et des institutions financières spécialisées dans l’accompagnement des entreprises à fort potentiel de croissance et de rentabilité. Cauris Management apporte un capital d’au moins 5 millions d’euros et devient l’un des principaux actionnaires d’Axxend.
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Des obligations contractuelles non respectées
Après son entrée en politique en avril 2014, Alberto Olympio devait abandonner progressivement le management de son entreprise et rembourser dès le mois de juin 2014 une somme de 2 millions d’euros à Cauris.
Suite à plusieurs relances et échanges n’ayant pas abouti, Cauris et les autres actionnaires de la société Axxend démettent Alberto de ses fonctions de PDG en novembre 2014 et portent l’affaire en justice. Il est question de faux en écriture bancaire, de détournement de crédits et d’abus de bien sociaux. En clair, Axxend et ses partenaires ne retrouvent pas la trace des fonds alloués par Cauris.
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Simple affaire judiciaire ou manipulation politique ?
En pleine période électorale au Togo, cette affaire déchaîne les passions. Alberto Olympio était l’un des tout premiers candidats déclarés pour la présidentielle prévue le 15 avril et, faute d’avoir obtenu un audit du fichier électoral, il a préféré boycotter le dépôt légal des dossiers avec le risque de ne pouvoir se présenter. Mais le leader du Parti des Togolais espère qu’une décision de la Cour constitutionnelle pourra lui permettre de briguer la magistrature suprême.
Si plusieurs journaux proches de l’opposition analysent les démêlés judiciaires d’Olympio comme l’acharnement du pouvoir contre un "adversaire gênant", l’intéressé ne prend pas ces accusations à son compte. "Pour moi cette histoire reste avant tout une affaire judiciaire", indique-t-il à Jeune Afrique, estimant néanmoins n’avoir signé aucun contrat en "nom propre" avec Cauris Management. "Axxend a un crédit qu’il remboursera", se contente-t-il de répondre.
La théorie du complot politique se focalise sur la personnalité du patron de Cauris, le Togolais Noël Yawo Eklo, neveu d’un ancien baron du régime de Gnassingbé Eyadema (père de l’actuel président). Les proches de celui-ci expliquent simplement qu’il gère des fonds mis à disposition par des partenaires auxquels il est tenu de rendre des comptes. "C’est de l’argent en moins pour le développement d’Axxend, de l’argent en moins pour les actionnaires d’Axxend et du fonds Cauris Croissance II. C’est moins de financement au profit des entreprises du Togo et de la sous-région", indique un économiste proche du dossier.
Si les principaux concernés rejettent donc la thèse d’un montage politico-judiciaire, cette situation n’est sûrement pas pour déplaire aux adversaires d’Alberto Olympio qui sont nombreux… aussi bien dans les rangs du pouvoir que de l’opposition.
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