Les PME africaines touchent les limites de la cotation parisienne

Les trois PME africaines cotées sur le marché libre NYSE Euronext doutent. Si leur présence sur la Place française leur a permis d’être plus visibles, la levée de fonds demeure une gageure.

À terme, Pétro-Ivoire compte s’introduire à la Bourse régionale des valeurs mobilières… à Abidjan. © Sia Kambou/AFP

À terme, Pétro-Ivoire compte s’introduire à la Bourse régionale des valeurs mobilières… à Abidjan. © Sia Kambou/AFP

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Publié le 24 janvier 2013 Lecture : 4 minutes.

« Le mieux serait que nos Bourses régionales jouent davantage leur rôle et simplifient les règles d’accès pour les sociétés de la région. » Meïssa Ngom, patron de Money Express, une société sénégalaise de transfert d’argent introduite à la Bourse de Paris en septembre 2011, cache mal sa déception. S’il assure être en négociation avec un fonds d’investissement approché grâce à la visibilité apportée par cette cotation, il juge néanmoins le marché parisien inadapté pour une entreprise comme la sienne.

Calme plat

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Trois PME africaines ont tenté l’expérience : outre Money Express, l’ivoirien Pétro Ivoire (distribution de carburants) avait suivi la même année, alors que la Société ivoirienne de manutention et de transit (Simat, logistique) avait ouvert le bal dès 2007. Toutes ont été approchées, conseillées puis accompagnées par le cabinet Maréchal & Associés Finance, dirigé par le Français Samuel Maréchal.

Cliquez sur l'image.Les résultats sont mitigés. Introduites sur le marché libre NYSE Euronext, qui n’est pas réglementé, les valeurs sont très peu actives. L’évolution des cours de Money Express et de Pétro Ivoire ressemble à un électrocardiogramme plat. Plus variable, le cours de Simat a fondu, avec la crise ivoirienne, comme neige au soleil : après avoir atteint un pic le 23 janvier 2008 à 16,90 euros, le titre plafonne aujourd’hui à 4,50 euros, sans variation depuis des mois.

Le cabinet Maréchal & Associés Finance défend pourtant le travail effectué. « Le premier objectif était de donner une visibilité internationale à ces sociétés africaines. En ce sens, le but est atteint », assure Samuel Maréchal, joint à Abidjan où son cabinet possède une antenne. « Si l’on regarde Simat, son chiffre d’affaires a été multiplié par trois, mais, malheureusement, la crise ivoirienne est venue stopper ses ambitions, notamment celle d’augmenter ses fonds propres, poursuit-il. Pour Pétro Ivoire, il fallait remplacer un fonds sortant, ce qui a été réalisé avec l’arrivée de Phoenix Capital Management à la place de Cauris Management. Enfin, Money Express souhaitait aussi se mettre en situation d’augmenter son capital ; de fait, il discute aujourd’hui avec un fonds d’investissement. »

Pour le banquier d’affaires parisien, l’introduction à Paris n’est qu’une première étape : « Tout cela prend du temps. Simat est satisfait, la société a pu utiliser la Bourse en fonction de ses besoins ; et Money Express fera de même lorsque ses négociations seront finalisées. »

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Reste que l’appétence des gérants internationaux pour les valeurs émergentes en général, africaines en particulier, n’a nullement profité aux trois PME. Samuel Maréchal estime aujourd’hui que la prochaine étape logique serait une cotation sur Alternext, le marché réglementé des PME en France. Une Place plus propice, selon lui, à la levée de fonds. Mais les contraintes pour y accéder sont bien plus ardues à satisfaire.

Grise mine

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Du côté des patrons, les avis sont moins optimistes. « Est-ce que la Bourse de Paris est prête à soutenir le développement d’une entreprise africaine ? Je n’en suis pas sûr », s’interroge Stéphane Eholié, PDG de Simat. S’il se faisait le héraut de la démarche il y a encore trois ans, à l’heure du bilan, le patron ivoirien fait grise mine : « C’est vrai, j’y ai gagné en notoriété, mais je n’ai pas levé de fonds. Certes, c’était une micro-introduction, et avec la crise mondiale les ressources se sont raréfiées, mais d’autres sociétés de même taille [non africaines, NDLR] ont pourtant réussi à lever de l’argent. Je compte cependant trouver une issue en 2013 ou 2014 », conclut-il, espérant dénicher des fonds pour se consolider sur le marché ivoirien et réaliser enfin son ambition, d’ici à 2015, de pénétrer les marchés limitrophes.

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« L’objectif était plus de donner de la valeur à la société et de l’exposer aux fonds étrangers, se rassure de son côté Sébastien Kadio-Morokro, directeur général de Pétro Ivoire. Nous avons émis 100 titres, nous n’attendions vraiment pas plus de variation de notre cours. À terme, de toute manière, c’est à la BRVM [Bourse régionale des valeurs mobilières, à Abidjan] que nous comptons utiliser le levier de la Bourse. Mais toutes les conditions n’étaient pas encore réunies. »

En un clic

Le financier français Louis Thannberger, grand spécialiste des introductions en Bourse (400 à son actif), notamment des PME, est catégorique : « Je ne vois pas l’intérêt pour une société ivoirienne de venir se faire coter à Paris ! La visibilité est un faux débat : une cotation à Abidjan peut s’accompagner d’une conférence de presse à Paris, on obtiendrait le même résultat… Aujourd’hui, avec internet, il n’y a plus qu’une seule et unique Bourse : en un clic, un investisseur sait où investir, où que soit cotée la société. »

Le banquier d’affaires, qui cherche à s’installer à Abidjan, appelle de ses voeux, comme l’ensemble des patrons, une Place régionale ouest-africaine forte et plus simple d’accès pour les entreprises de la région. De son côté, Samuel Maréchal va mettre en stand-by son travail à Paris, pour introduire « d’ici à la fin du mois », assure-t-il, une société ouest-africaine sur la Bourse de… Maurice.

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