Maroc : menace sur la presse écrite

La fermeture d’Actuel est un signal d’alerte pour les journaux du royaume. Confrontés au défi de la langue, au tarissement de la publicité et à la concurrence du Net, les titres en français sont les plus vulnérables.

La nouvelle année n’a pas porté chance à l’hebdomadaire créé en 2009. © Hassan Ouazzani

La nouvelle année n’a pas porté chance à l’hebdomadaire créé en 2009. © Hassan Ouazzani

Publié le 21 janvier 2013 Lecture : 2 minutes.

Faut-il craindre la fin du papier au Maroc, comme dans beaucoup de pays touchés par la crise de la presse ? En tout cas, les mauvaises nouvelles se succèdent pour les entreprises du secteur. Début janvier, un communiqué envoyé aux rédactions annonçait la fermeture de l’hebdomadaire francophone Actuel, invoquant « un contexte d’exploitation très difficile depuis trois ans », « un marché de la publicité presse en très forte baisse en volume et en valeur », « une remise en cause profonde de l’avenir de la presse papier […] sans convaincante perspective d’amélioration dans un avenir proche ».

Cinglant, ce diagnostic vaut avertissement pour les confrères. Car les maux de ce titre lancé en 2009 par Rachid Tlemçani, un ancien banquier d’affaires, sont ceux d’une large partie de la presse écrite. Après des années de progression, la circulation totale des journaux s’est stabilisée depuis 2008, autour de 100 millions d’exemplaires par an, selon le baromètre publié par l’Organisme de la justification de la diffusion (OJD Maroc). Soit trois exemplaires par habitant et par an, un chiffre bien en deçà de la diffusion de la presse chez le voisin algérien.

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Cliquez sur l'image.Printemps arabe

De plus, cette statistique globale masque de grandes disparités. Selon la langue, tout d’abord : la presse marocaine est de plus en plus arabophone. À titre d’exemple, Almassae, titre leader du segment arabophone, peut compter sur un nombre de lecteurs payants (108 185 exemplaires par jour en 2011-2012) largement supérieur à celui des quotidiens francophones, dont le premier, Le Matin, pointe à 18 614 exemplaires par jour.

Le Maroc est un pays arabophone, une réalité longtemps occultée par les milieux d’affaires. « Depuis le Printemps arabe, l’argument qui consistait à cibler, via l’utilisation de la langue française, un public A et B [les professions supérieures et les cadres, dans le jargon publicitaire, NDLR] fonctionne de moins en moins », note Aziz Boucetta, éditeur du site panoramaroc.ma, qui publie notamment des articles traduits de l’arabe vers le français.

Peu lue, la presse francophone est également frappée par la contraction du marché publicitaire, dont elle dépend financièrement. Un exemplaire d’un hebdomadaire vendu à 15 dirhams (environ 1,34 euro) ne dégage pas réellement de marge opérationnelle pour l’éditeur. « Environ 30 % de ce prix de vente lui échappe au profit de la diffusion [sociétés de distribution et kiosquiers], alors que les frais d’impression sont élevés : comptez 6 dirhams par exemplaire pour une pagination d’environ 80 pages et un tirage de 30 000 exemplaires », explique un directeur d’agence de communication. Un simple calcul éclaire le modèle économique : s’il veut couvrir ses frais (personnel, loyer, etc.) et dégager éventuellement des profits, tout patron de presse doit d’abord vendre de la publicité.

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Basculement

Sous l’effet de la crise mondiale depuis 2008, la contraction du marché publicitaire a forcé les annonceurs et les agences à réorienter leurs budgets. Déjà concurrencée par les médias audiovisuels et l’affichage public, toute la presse écrite est aujourd’hui menacée par l’émergence de l’information sur internet. L’apparition de sites web d’infos bouleverse la diffusion de la presse payante et altère l’intérêt des annonceurs.

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Ces derniers sont naturellement attentifs à l’audience, ce qui explique qu’ils consacrent une part croissante de leurs budgets de communication à la publicité sur internet. Sophia Jalal, présidente du Groupement des annonceurs du Maroc, prédisait pour 2013 un basculement de la répartition du « gâteau » publicitaire. Cette année, internet devrait recueillir 19 % des investissements publicitaires dans le royaume… contre seulement 17 % pour les journaux. 

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