Pierre-André Térisse : « Les grands défis de Danone en Afrique sont les RH et l’approvisionnement local »
Pierre-André Térisse, le directeur général pour l’Afrique de Danone, a répondu aux questions de « Jeune Afrique » sur les ambitions et défis du groupe agroalimentaire français dans cette région.
Le leader mondial des produits laitiers frais vient de créer une direction géographique dédiée à l’Afrique, comme il l’avait fait pour l’Asie dans les années 90. Danone, qui enregistre environ 5 % de son chiffre d’affaires sur le continent (1,2 milliard d’euros) a réalisé d’importantes acquisitions sur le continent durant les dernières années : Fan Milk en Afrique de l’Ouest, Brookside Dairy au Kenya ou encore Centrale laitière au Maroc.
Le directeur financier du groupe, Pierre-André Térisse, qui avait participé à l’aventure asiatique, vient de prendre les rênes de ce pôle Afrique. En marge de l’Africa CEO Forum 2015, durant lequel Danone a été désigné « Compagnie internationale de l’année », devant Coca Cola, Axa, Rio Tinto, Odebrecht, Africa Internet Group et Qatar National Bank, le tout nouveau directeur général pour l’Afrique du groupe français a répondu aux questions de Jeune Afrique.
Propos recueillis par Marion Douet à Genève
Avec cette nouvelle direction Afrique, Danone cherche-t-il à répliquer l’expérience asiatique ?
En Asie, nous avons réussi à accélérer le développement de nos produits mais aussi à explorer des domaines dans lesquels nous n’étions pas forcément et qui étaient plus adaptés à cette région, comme les boissons énergisantes Mizone, qui sont très présentes en Chine et en Indonésie.
L’objectif est de faire un peu la même chose pour l’Afrique, c’est à dire de se focaliser sur un continent et d’être pertinent localement. Moi, ma seule préoccupation c’est l’Afrique, je reporte directement à Emmanuel Faber (directeur général du groupe), mes arbitrages sont forcément africains. Je vais me consacrer à avoir des moyens dédiés et un regard qui soit davantage local, moins standardisé. Par exemple, il est évident qu’on est forts dans les produits laitiers frais mais il est clair aussi que l’absence de chaîne du froid dans pas mal de ces pays va nous conduire à réfléchir à des produits de longue conservation.
Votre prise de participation dans Fan Milk, qui a développé un mode de distribution innovant, est-elle un enseignement pour la distribution de vos produits sur le continent ?
FanMilk, c’est pour nous très particulier : on est dans un domaine qui est un peu éloigné du « core business » du groupe puisqu’il s’agit de glaces vendues dans les rues. Cela nous donne une entrée sur une zone géographique où nous n’étions pas présents, sur un mode de distribution qu’on connaissait peu, avec des produits particuliers. Une de mes missions sera en effet de voir comment je vais tirer partie de cette expérience pour continuer à construire Danone en Afrique.
La situation est-elle similaire avec Brookside, le leader est-africain des produits laitiers, dans lequel vous avez acquis 40 % ?
Non. Dans le cadre de FanMilk, on est avec notre partenaire aux commandes du business tandis qu’avec Brookside on entre de manière minoritaire dans une société. On a besoin de temps pour les découvrir, pour comprendre ce qu’on peut faire ensemble, ce qu’on peut leur apporter et ce qu’ils peuvent nous apporter eux aussi. On en est vraiment au début de l’aventure.
Quel est votre objectif de croissance du chiffre d’affaires ?
Ce qui m’intéresse, ce n’est pas de savoir si on fera 2, 3 ou 4 milliards de chiffre d’affaires demain mais plutôt comment nous allons passer d’une dizaine de pays couverts à 20 demain ou peut-être 30. Ou encore comment nous allons passer de deux « métiers » en Afrique aujourd’hui – les produits laitiers et la nutrition infantile – à trois métiers avec les boissons. Et enfin comment monter les équipes et les ressources.
Aujourd’hui c’est un des vrais enjeux pour nous : construire un vivier de ressources pérennes, avoir moins d’expatriés et plus de locaux, plus de femmes. Je ne dis pas ça pour être politiquement correct, je suis convaincu que le plus gros défi pour Danone, et pour tout le monde d’ailleurs, en Afrique ce sont les ressources humaines.
La chaîne du froid est-elle un autre grand défi ?
L’absence de chaîne du froid n’est pas un obstacle, c’est simplement un paramètre qu’on doit prendre en compte dans ce qu’on construit. Pour moi le plus important ce sera plutôt la capacité à nous appuyer sur des matières premières locales. Il y a par exemple toute une partie de l’Afrique où il n’y a pas de lait. Par conséquent tous les produits laitiers reposent dans ces régions sur des matières premières importées, dont le prix peut varier fortement. À ce sujet, je vais bientôt visiter la Laiterie du Berger, pour apprendre de leur modèle.
Se baser sur des matières premières plus locales permet à la fois d’avoir plus de résilience dans le business, parce que la structure de coût est plus stable dans le temps, et de créer des produits qui s’ancrent dans la culture locale. Nous avons développé ce modèle au Bangladesh avec Grameen, où des plantes locales entrent dans la composition de nos yaourts.
>>>> Lire aussi – Agro-alimentaire : la recette de Danone pour conquérir l’Afrique subsaharienne
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