Croissance africaine : infléchie par les crises, elle reste robuste
Secouées par le recul du cours des matières premières et les crises géopolitique et sanitaire, les économies africaines résistent bien mieux que les autres. Une résilience qui, pour être renforcée, implique l’amélioration du climat des affaires et de la gestion publique.
Ebola, la chute des matières premières, le terrorisme, l’Afrique est, il est vrai, confrontée à de forts vents contraires. En ouverture de l’Africa CEO Forum, ce lundi 16 mars, à l’hôtel Intercontinental de Genève, devant plus de 800 chefs d’entreprises, Amine Tazi-Riffi, directeur chez McKinsey, a entamé son intervention par un constat sans appel : la trajectoire de croissance du continent s’est infléchie, avec les crises. Un changement d’atmosphère qui intervient après des années d’exubérance et contraint certains opérateurs à revoir leurs plans d’investissement à la baisse ainsi que le report de projets structurants, a-t-il constaté.
« Mais sans avoir de boule de cristal, on reste sur un corridor de croissance robuste, a souligné le consultant. La situation du continent reste bien meilleure qu’elle ne l’était dans les années 1980. Par exemple du point de vue de son endettement, qui demeure peu important ». La croissance dans la région reste supérieure aux perspectives mondiales (3 % en 2015). En Afrique subsaharienne, elle devrait osciller entre 4,6 % et 4,9 %. Au nord du continent, elle devrait tourner autour de 3,5 %, malgré la crise en Libye et le choc pétrolier en Algérie.
Réformes
Cette période d’infléchissement de la croissance est aussi l’occasion d’introduire des réformes nécessaires, a insisté Amine Tazi-Riffi. Selon lui, elle doit amener les États et les opérateurs économiques à adopter de nouvelles orientations, qu’il s’agisse des subventions publiques, des investissements dans l’éducation, la formation et les infrastructures, mais aussi en ce qui concerne l’environnement des affaires.
Un point de vue partagé par Issad Rebrab, président du comité exécutif et fondateur du géant algérien de l’agroalimentaire Cevital. « Quand nous avons décidé d’aller en Afrique pour chercher des relais de croissance, la bureaucratie a mis un frein à nos ambitions », a regretté le patron algérien. S’il s’est tourné pour l’instant vers l’Europe, où son groupe a réalisé des investissements majeurs au cours des dernières années, Issad Rebrab s’est dit persuadé que l’Afrique peut être l’atelier du Vieux Continent.
Pour sa part, Donald Kaberuka, le président de la Banque africaine de développement, a plaidé pour que les pays africains adoptent des politiques prévisibles et misent davantage sur un système méritocratique. L’un des moyens les plus efficaces de le faire, a estimé Makhtar Diop, vice-président pour l’Afrique de la Banque mondiale, est de rendre publics les objectifs en matière de développement pour que les responsables soient comptables des engagements pris.
Le seul continent jeune
« Il nous faut trouver notre propre chemin. Celui qui permettra à l’Afrique de concrétiser, à partir de la formidable croissance de sa population, un dividende démographique. Dans un monde vieillissant, nous serons le seul continent jeune », a rappelé Carlos Lopez, secrétaire exécutif de la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique. « L’Afrique ne doit pas être complexée par les pays développés », a ajouté Issad Rebrab, en appelant les entreprises à investir dans les dernières innovations. Et à former plus d’ingénieurs, a ajouté pour sa part Makthar Diop.
Le mot de la fin est revenu à Donald Kaberuka. Ce dernier a insisté sur l’importance de l’intégration régionale en prenant pour exemple le rôle majeur joué par la Banque centrale chinoise ces vingt dernières années dans le développement de la puissance asiatique. « Ce sera le défi de mon successeur », faire travailler les banques centrales africaines ensemble pour qu’elles favorisent les investissements sur le continent, a plaidé celui qui quittera dans quelques mois la présidence de la BAD.
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